Renaissance carolingienne
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La renaissance carolingienne se déroule à la fin du VIIIe siècle et au IXe siècle lorsque l'Église et les rois carolingiens tentent de réformer le clergé et la culture dans l'Occident chrétien. Ce phénomène s'appuie sur la puissance démographique et militaire des Francs, dont l'ambition est de reconstruire un empire chrétien et uni, capable de contrer les poussées musulmane et païenne (Vikings et Hongrois).
Les contemporains parlent de « rénovation » (renovatio) ou de « restauration des lettres » plutôt que de « Renaissance carolingienne », une expression qui n'apparaît qu'au XIXe siècle[1]. Cependant, les historiens ont montré que cette période a été essentielle dans l'histoire de l'Europe. La Renaissance carolingienne a été un mouvement intellectuel, littéraire et artistique européen par ses origines et par ses acteurs : en effet, des intellectuels issus du royaume wisigoth, des îles britanniques et d'Italie ont trouvé à la cour des carolingiens un espace de sécurité et d'expression à partir de laquelle leur savoir se diffuse à tout l'empire carolingien.
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Sommaire
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[modifier] VIIe siècle: des foyers de culture dispersés
[modifier] Le patrimoine culturel romain
Les chefs barbares qui ont gouverné l'Italie après la chute de Rome étaient des aristocrates voués à commander les mercenaires germains. Ils ont été formés dans l'empire romain et sont donc relativement cultivés et romanisés. Il se sont parfaitement accommodés de la culture latine et n'ont pas cherché à la détruire. Ainsi, quand en 476 Odoacre allié aux Huns prend Rome, il en conserve l'administration, le Sénat et les systèmes monétaire et juridique. En retour, il est largement soutenu par le Sénat et le peuple[2]. Dès 493, il est renversé par Théodoric le Grand un chef militaire ostrogoth formé à Constantinople et donc cultivé, prend des lettrés latins comme conseillers tels que Boèce, Symmaque ou Cassiodore[3]. Il laisse les grandes universités en activité et aux intellectuels tels que Cassiodore ou le pape Agapet de regrouper leur savoir au sein des bibliothèques[4]. La Bibliothèque de Vivarium créée par Cassiodore au VIe siècle rassemble des centaines d'ouvrages antiques (parmi lesquels des œuvres de Sophocle, Théodoret ou Sozomen[5]). Ce faisant, il est à contrecourant de la philosophie ascétique du monachisme de son époque.
L'isolement relatif de l'Italie est toutefois de courte durée, puisque l'empereur byzantin Justinien en fait la reconquête dès 535[6], ce qui entraîne un bon niveau de conservation des connaissances antiques. En 590, le pape Grégoire le Grand réorganise la bibliothèque pontificale en regroupant les Bibliothèques d'Agapet et de Cassiodore au Latran. Il utilise ce trésor culturel pour rendre indispensable l'Église romaine. Les livres sont prêtés dans toute l'Europe et principalement dans les îles britanniques et dans la péninsule ibérique ce qui permet aux ecclésiastiques de fonder de nouvelles bibliothèques [7]. Les pélerins francs rapportent avec eux plusieurs manuscrits. Au VIe et VIIe siècle nombreux sont les moines qui viennent d'Irlande ou d'Espagne pour chercher livres et reliques pour leur monastère. Rome conserve son influence en leur concédant ses trésors.
Depuis la reconquête de l'Italie par Justinien en 535, les papes sont soumis à l'autorité de Byzance. Mais la pression musulmane occupe l'armée byzantine au sud et à l'est. Rome doit donc organiser seule sa défense contre les Lombards qui envahissent le nord de l'Italie[8] et prend de fait son indépendance, se retournant vers les Francs pour trouver une protection[9]. Les Lombards s'installent au nord de l'Italie et fondent un nouveau royaume barbare. Ils prennent le pouvoir administratif dans les territoires conquis mais ne pillent pas les monastères. Les bibliothèques souffrent mais ne disparaissent pas.
En 730, l’empereur Léon III l’Isaurien (empereur de 717 à 741) interdit l’usage d’icônes du Christ, de la Vierge Marie et des saints, et ordonne leur destruction. Cette crise iconoclaste entraîne l'immigration à Rome et en Occident de nombreux artistes et lettrés byzantin. L'art oriental se diffuse en Europe de l'ouest et notamment à Rome, où il est encouragé par le pape et les prélats. La présence byzantine en Italie du nord a duré plus de deux siècles et son héritage pose l'une des bases sur lesquelles peut s'appuyer la renaissance carolingienne. Rome est également renommée pour son école de chant (schola cantorum) qui sert de modèle durant tout le Haut Moyen Âge. Quant à la cour lombarde de Pavie, elle impressionne beaucoup Charlemagne à la fin du VIIIe siècle.
[modifier] Le royaume wisigoth
Havre de paix dans l'Occident depuis la fin du VIe siècle, l'Espagne wisigothique est l'un des principaux conservatoires chrétiens de la culture antique. Elle se veut l'héritière de l'empire romain d'occident[10]. Le royaume accueille des intellectuels d'Afrique du Nord chassés par les Vandales, des Byzantins puis des Musulmans. La production littéraire de la péninsule se spécialise dans les compilations et les florilèges, tout en créant des œuvres originales en histoire, en droit et en théologie. Ses écoles, qui transmettent la culture classique, forment aussi bien des clercs et que des laïcs, et les nombreux actes de vente conservés sur ardoise témoignent de la diffusion de l'écriture dans les communautés rurales. De grands évêques, qui sont également de grands auteurs, font de leurs sièges épiscopaux des centres intellectuels en les dotant de bibliothèques et d'écoles[11].
La bibliothèque sévillane est alors le centre le plus brillant sous l'impulsion de Léandre puis Isidore de Séville[10]. La priorité y est accordée aux grands écrivains chrétiens du IVe au VIe siècle, en particulier Augustin (354-430), Cassiodore (485-580), Grégoire le Grand (540- pape 590-604) mais aussi aux pères latins plus anciens : Tertullien (155-222), Cyprien de Carthage (200-258), Hilaire de Poitiers (315-367), Ambroise (340-397).
Après l'invasion arabe (711), une civilisation originale est mise en place : la culture mozarabe qui aura un rôle majeur dans la renaissance ottono-clunisienne mais « l'Espagne ne jouera qu'un rôle effacé dans la Renaissance carolingienne[12] ».
[modifier] Le monachisme irlandais et northumbrien
Depuis le VIe siècle l'Église essaye d'évangéliser les régions situées aux frontières de la chrétienté. De nombreux missionnaires sont envoyés avec succès dans les îles britanniques. Ces îles avaient été anciennement christianisées mais l'invasion par les Saxons a isolé les chrétiens de Rome. Le pape Grégoire Ier en envoyant Augustin de Cantorbéry relance l'évangélisation de l'île de Bretagne. De nombreux monastères sont créés (particulièrement en Irlande) qui sont le centre de la vie spirituelle locale. Ce sont également des foyers culturels majeurs ; outre les écritures sacrées, on y étudie les sciences et les lettres profanes : la poésie, la musique. L’enluminure et la calligraphie y sont à l’honneur, par exemple dans le scriptorium de Cantorbéry. Les légendes celtes sont pour la plupart sauvées par ces moines cultivés qui fournissent ainsi le seul matériel disponible pour reconstituer la culture et la religion de ce peuple.
Paradoxalement c’est à ces moines que l’on doit la conservation du latin pur. En Irlande, on parle celte, contrairement à la Gaule où la langue vulgaire est un latin qui, avec le temps et les invasions, a dégénéré ce qui rend les textes en latin classique difficiles à comprendre. Le latin, langue officielle de l’empire romain n’a jamais été parlé en Irlande. Il s’agit d’une langue étrangère dont les moines vont cultiver l’expression la plus classique. Ils conservent aussi le grec ancien et la philosophie de cette brillante civilisation. Cet engouement va les conduire à reproduire bien des textes profanes et ainsi à sauver une grande partie de la philosophie grecque et latine[13]. Au VIIe siècle, les moines irlandais n'hésitent pas à traverser l'Europe pour rechercher des livres dans les bibliothèques romaines ou pour christianiser les populations païennes. Dans les monastères, on s’intéresse de près à des sciences considérées ailleurs comme profanes : la grammaire, la géométrie et la géographie sont à l'honneur. On y enseigne la sphéricité de la terre dix siècles avant Copernic[13].
Bède le Vénérable (672-735) est l'un de ces moines et lettrés anglo-saxons de culture latine les plus connus, il est l'auteur d'une œuvre considérable. Très populaire en Europe durant tout le Moyen Âge, Bède est aujourd'hui surtout connu comme l'historien des Angles par son œuvre maîtresse, achevée en 731 ou en 732. Bède, intéressé par la patristique, rédige plusieurs ouvrages de mathématiques et de philosophie, conformément aux cursus de l'enseignement classique des arts libéraux (trivium et quadrivium). Il est le fondateur du comput, science de la datation et du calcul de la date des fêtes religieuses mobiles (Pâques)[14]. La renommée de ces moines savants est telle qu’on vient de très loin pour en recevoir l’enseignement (on peut séjourner dans un monastère comme étudiant). Certains couvents d’Irlande et d’Écosse comptent plus de mille moines.
Des pratiques, à l’origine propres aux cénobites, se communiquent au peuple tout entier. C’est le cas de la confession et de la pénitence. Le moine représentant un idéal de sainteté que l’on veut imiter, la pratique du pèlerinage, (souvent jusqu’à Rome) se répand parmi les laïcs. Les moines ont un rôle missionnaire qui les oblige à dire l’eucharistie dans les campagnes sur des autels portatifs, pour la communion, ils se font aider des femmes qui distribuent le Corps du Christ. Le monachisme irlandais est donc naturellement porté à se diffuser à l'ensemble des îles britanniques et particulièrement en Northumbrie, puis à partir du VIIe siècle vers le continent.
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[modifier] L'empire carolingien
[modifier] Constitution d'un état fort
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Au VIIe siècle, les royaumes barbares sont en crise et se morcellent. La sécurité n'est plus assurée par un état déliquescent et va être prise en charge par l'aristocratie [15]. Les puissants accueillent des hommes libres qu'ils éduquent, protègent et nourrissent. L'entrée dans ces groupes se fait par la cérémonie de la recomandation: Ces hommes deviennent des guerriers domestiques (vassus) attachés à la personne du senior[16]. Le seigneur doit entretenir cette clientelle par des dons pour entretenir sa fidélité[15][17]. La monnaie d'or devenant rare du fait de la distension des liens commerciaux avec Byzance (qui perd le contrôle de la méditerranée occidentale au profit des musulmans) la richesse ne peut provenir que de la guerre: butin ou terres conquises à redistribuer. En l'absence d'expansion territoriale les liens vassaliques se distendent donc pour se pérenniser une puissance doit s'étendre.
À cette époque le trafic commercial est essentiellement fluvial même si les voies romaines sont encore utilisables (et permettent le transfert de marchandises d'un bassin fluvial à l'autre) mais elles ne permettent que le transport de denrées suffisamment onéreuses pour être rentables. Même si le trafic est faible, ces voies sont capitales pour acquérir de quoi entretenir ses vassaux. Avec la présence musulmane en méditerranée occidentale les voies commerciales byzantines ne peuvent plus passer que par l'Adriatique. Dès lors l'axe Rhone-Saonne-Rhin (ou Seine) est supplanté par l'axe Po-Rhin-Meuse. Les Pippinides, une famille austrasienne dont le berceau est situé sur la Meuse acquière un avantage économique qui va permettre d'aligner des armées bien plus nombreuses que ses rivales[18]. Les pipinides contrôlent plus de 90 grands domaines agricoles de part et d'autre du fleuve[18]. Ainsi Pépin de Herstal, devient maire du palais d'Austrasie en 679, contrôle la Neustrie en 687 et prends le titre de prince des Francs. Pour conserver ces conquêtes ses descendants doivent maintenir cette politique expansive pour éviter la dissolution de leur empire naissant. Son fils bâtard Charles Martel, doit ainsi réduire les révoltés neustriens, puis assugestir les frisons, les alamands, bourguignons et les provencaux[18].
[modifier] Une dynastie puissante en quête de légitimité
Charles Martel, le grand-père de Charlemagne, arrête l'expansion musulmane à Poitiers en 732 ; mais il n'est que le maire du palais mérovingien, autrement dit l'intendant principal du roi. Sa puissance est telle qu'il a le pouvoir de fait, mais celui-ci ne se fonde sur aucune hérédité, ni aucun charisme ; c'est pourquoi il ne peut prétendre au titre de roi. Pourtant sa famille, les Pippinides (plus tard appelés les Carolingiens) a l'expérience du pouvoir et compte un saint dans ses ancêtres. L'Église a intérêt à s'appuyer sur cette dynastie forte pour contrer les menaces islamique, byzantine et lombarde. Théoriquement le pape est sous la tutelle de Constantinople, mais l'armée de l'empereur est monopolisée par l'expansion musulmane. Elle ne peut jouer son rôle de protecteur et Rome en profite pour s'émanciper[9].
La lutte de Grégoire III contre les iconoclastes provoque un conflit entre Rome et Byzance. L'empereur Léon III tente de réduire l’autorité du Saint-Siège et la mainmise sur les propriétés de l’Église dans les villes de Sicile, Calbéria et autres. Dans ce but, il envoie une flotte en Italie pour combattre les villes non soumises à ses ordres. Il étend les droits du patriarche de Constantinople sur toutes les régions (districts) de l’Italie du Sud et ne laisse au pape que la région du Nord que les Lombards ne cessent d'assaillir. En effet à l'instar des pipinides, les lombards bénéficient de la bascule des liens commerciaux vers l'axe Po-Rhin et ils ne cessent d'étendre leur royaume pour otenir un butin et des terres à redistribuer pour maintenir les liens vassaliques[15][19]: ils sont l'autre grande puissance européenne de l'époque et menacent directement la papauté[20].
Alors, le pape sollicite le secours de Charles Martel, pour repousser les Lombards, il met sous la protection des Francs toutes ses propriétés et leur demande de reconquérir l'Italie. Après avoir remporté la victoire contre les Arabes à Poitiers, le roi des Francs écrit au pape Grégoire III lui annonçant l'heureuse nouvelle. Celle ci a un très vif retentissement et désigne Charles, notament aux yeux de la Papauté comme le défenseur en occident de la foi et de l'église[21]. Charles Martel reçois le titre de « Très Chrétien » accordé par le pape et auquel ont droit tous ses successeurs .
En 750, Pépin le Bref envoie une délégation franque auprès du pape Zacharie, pour lui demander l'autorisation de mettre fin au règne décadent des mérovingiens, et donc de prendre la couronne à la place de Childéric III et d'instaurer la dynastie des Carolingiens dont il est le premier représentant. Ce que Zacharie accepte en déclarant que « Mieux vaut appeler roi celui qui possède le pouvoir plutôt que celui qui ne l'a pas»[22].
En novembre 751, Pépin dépose Childéric III, puis se fait élire roi des Francs, à Soissons, en se faisant acclamer par une assemblée d'évêques, de nobles et de Leudes (grands du royaume)[22].
Le schisme de Byzance, va pousser la papauté à s'allier avec le roi des Francs. Le protecteur habituel de l'Église est l'empereur byzantin qui règne à Constantinople sur l'empire romain d'Orient, mais celui-ci, en mauvaise posture face aux musulmans n'est pas en mesure de secourir le pape[9]. Le nouveau pape Étienne II, successeur de Zacharie mort en 752, n'a pas d'autre choix que de demander l'aide militaire de Pépin contre les Lombards et leur roi Aistulf (ou Astolf) qui menacent Rome.
En 774, Charlemagne défait Didier, roi des Lombards, qui menace le pape, et s'empare de ses États. L'exarchat byzantin de Ravenne n'est tombé que 23 ans plus tôt et c'est donc une région très cultivée qui passe sous domination franque. En 812, par le traité d’Aix-la-Chapelle, l’empereur d'Orient Michel Ier reconnaît Charlemagne comme empereur d’Occident.
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[modifier] La concentration du savoir
Le royaume Franc puis l'empire Carolingien constituent un espace de sécurité en Europe avec le soutien de Rome. Cet espace va recueillir le savoir préservé et perpétué dans le royaume Wisigoth, dans les îles Britaniques et à Rome.
Au VIIIe siècle, la chute du royaume Wisigoth lors de l'invasion de la péninsule ibérique par les sarazins pousse de nombreux intellectuels et ecclésiastiques à rejoindre la cour de Pépin le Bref. L'effondrement de leur royaume explique largement l'afflux de grands esprits Wisigoths comme Théodulf d'Orléans ou Benoît d'Aniane à la cour de Charlemagne.
De la même manière le monachisme s'est développé très fortement en Irlande en Northumbrie depuis le VIe siècle. La vocation missionnaire et les invasions Vikings poussent des érudits Irlandais et Northombriens à venir. Ils vont contribuer avec l'instauration de la règle de Saint Benoît (grâce à Benoît d'Aniane)à la vague monastique carolingienne. Rome soutient activement la fondation de nombreux monastères en leur confiant de nombreuses reliques [23]. Le soutien de Rome explique la présence à la cour des carolingiens d'érudits Italiens comme Paul Diacre et Pierre de Pise.
La création d'un nouvel empire romain (en remplacement du royaume romain Wisigoth) et la renaissance carolingienne découlent logiquement de cet afflux de connaissances vers le seul espace de stabilité dans un occident secoué par les grandes invasions.
[modifier] La renaissance carolingienne
[modifier] La situation de la culture en Gaule vers 750
Au milieu du VIIIe siècle, la situation de la culture dans les royaumes mérovingiens semblent médiocre par rapport aux foyers italiens, anglo-saxons et irlandais. Alors que Charles Martel n'a pas hésité à nommer des Laïcs abbés ou évêques, l'Église franque est en crise : le niveau d'instruction des prêtres est mauvais, certains ne savent par lire correctement les textes liturgiques en latin. Les pratiques païennes ont toujours cours dans certaines campagnes. Les écoles ne sont pas assez nombreuses et les maîtres incompétents ou absents. Charles Martel ne maîtrise pas l'écriture et sait tout au plus signer[24]. Il met néanmoins un point d'honneur à ce que ses fils aient une bonne éducation. L'aristocratie franque s'intéresse davantage à la guerre (principale manière à l'époque d'entretenir ses vassaux),qu'aux lettres et les grands monastères du sud de la Gaule ont été dévastés par les guerres et les raids musulmans. La Renaissance carolingienne n'arrive pourtant pas dans un désert culturel absolu : certaines abbayes de Neustrie, de Bourgogne et d'Austrasie conservent les manuscrits et animent des ateliers de copies renommés. Mais les œuvres originales sont rares, tout comme les livres de littérature profane.
C'est surtout la crise que traverse l'Église franque et la volonté de construire un empire qui vont motiver la Renaissance carolingienne.

[modifier] Les acteurs de la renaissance carolingienne
[modifier] Le roi et sa cour
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Le père de Charlemagne, Pépin le Bref fait déjà travailler les meilleurs scribes dans sa chancellerie. Lui-même a reçu une solide instruction à l'abbaye de Saint-Denis. Pépin le Bref réunit des conciles afin d'améliorer la qualité du clergé. Charlemagne continue l'œuvre de son père, tout en définissant un programme politique général, dans lequel la culture tient une place importante. Son ambition est de créer un vaste espace politique et religieux. Il se sent responsable du Salut de ses habitants. Les lettres et les arts sont des éléments de prestige et Charlemagne souhaite rivaliser avec les autres cours, en particulier avec Byzance et Rome. Pour cela, il fait venir dans son palais les meilleurs esprits de son époque. Le roi, qui devient empereur en 800, les écoute, leur demande conseil et les récompense. Les lettrés les plus connus de la cour de Charlemagne, qui constituent la première génération de la Renaissance carolingienne sont:
- Alcuin, arrivé d’Angleterre en 782, l’un des principaux conseillers de l’empereur, a participé au renouveau biblique : la bible d’Alcuin est l’un des plus anciens manuscrits d’Occident.
Alcuin a aussi institué à Aix-la-Chapelle une école palatine pour former les futures élites laïques et religieuses, et mis en place un vaste programme d'éducation reprenant la structure des sept arts libéraux de Martianus Capella, Cassiodore, Boèce, transmise par Bède le Vénérable.
- Théodulf, Wisigoth (originaire de l’actuelle Espagne), poète, théologien, s’oppose à Constantinople sur la question de l’iconoclasme. L'empire hérite des qualité artistiques des artistes fuyant Byzance.
- Benoît d'Aniane a instauré une réforme religieuse en Aquitaine, puis a unifié la liturgie (817). Il forme des centaines de moines qui vont essaimer dans tout l'empire pour répandre la règle bénédictine.
- Eginhard, historien et biographe de Charlemagne,
- Paul Diacre, auteur d'une histoire des Lombards,
- Pierre de Pise, lettré italien.
[modifier] Les sept arts libéraux
Alcuin organise l'enseignement en réintroduisant les sept arts libéraux de Cassiodore et Boèce, conservés par Isidore de Séville et develloppés par Bède le Vénérable. Les arts libéraux comprennent trois disciplines littéraires (trivium):
- la grammaire,
- la rhétorique,
- la dialectique,
et quatre disciplines scientifiques (quadrivium):
- l’arithmétique,
- la géométrie,
- l’astronomie,
- la musique.
[modifier] Un empire structuré facilitant la propagation du savoir
[modifier] Organisation de l'administration de l'éducation
La capitale de l'empire est en son centre, à Aix-la-Chapelle, où Alcuin dirige une école pour les cadres de l'empire, qui y apprennent un minimum d'éducation en matière d'administration, de lecture, de religion. Les grands du royaume y envoient leurs fils y étudier.
Le monachisme Irlandais et l'instauration de la règle de Saint Benoît vont conduire à la création de nombreux monastères et écoles dans tout l'empire, en particulier grâce à Benoît d'Aniane. Charlemagne prévoit l’établissement d’une école dans chaque évêché. L'empire se structure administrativement:les missi dominici, qui vont par deux (un comte et un évêque). Les directives élaborées à la cour sont communiquées par les capitulaires.
[modifier] Uniformisation de l'écriture
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Charlemagne développe l’utilisation de l’écrit comme moyen de diffusion de la connaissance, et particulièrement l’usage de la langue latine. S'appuyant sur les érudits britanniques comme Alcuin le latin médiéval[25] s'uniformise et incorpore des mots nouveaux (avec des racines grecques ou germaniques) pour servir de langue internationale. L’invention d’une nouvelle écriture, la petite Caroline permet de gagner en lisibilité car les mots sont séparés les uns des autres, et les lettres sont mieux formées[26] [27]. Des ateliers de copiages (scriptoria) se développent dans les abbayes carolingiennes : Saint-Martin de Tours, Corbie, Saint-Riquier... Les connaissances s'échangent dans toute l'Europe.
[modifier] Uniformisation comptable et monétaire
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Au début du règne de Charlemagne les différentes parties de l'empire utilisent des monaies différentes ce qui freine les échanges. Il institue un système basé sur une masse d'argent:la Livre correspond a un poids d'une livre d'argent. Il réinstitue des monnaies de l'empire romain: le Solidus ou Sol et le Denier. Une Livre vaut 240 Deniers. Un Sol (un sou) vaut 12 deniers soit un vingtième de livre tournois. Le sol sert de monnaie de comptabilité : un "sol de farine" est la quantité de farine que l'on peut acheter avec 12 deniers. Cette uniformisation de la monnaie facilite les transactions commerciales à travers l'empire et donc augmenter les échanges entre les différentes régions. Les carolingiens ont pris d'autres mesures pour favoriser le commerce: ils entretiennent les routes, favorisent les foires... Cependant ce commerce est étroitement encadré (les prix sont fixés depuis 794, l'exportation des armes est prohibé) et taxé[28]. Le but initial est d'avoir accès à des produits précieux afin d'entretenir ses vassaux.
[modifier] Restructuration de la société agricole et féodalité
À partir de 800 les campagnes se font plus rares et le modèle économique franc basé sur la guerre n'est plus viable. L'agriculture est encore largement inspirée du modèle antique esclavagiste. Mais les esclaves ont une productivité faible (car non intéressés aux résultats de leur travail) et sont couteux en saison morte. Quand viens la paix nombreux sont les hommes libres qui choisissent de poser les armes pour le travail de la terre plus rentable. Ceux-ci confient leur sécurité à un protecteur contre ravitaillement de ses troupes ou de sa maison. Certains arrivent à conserver leur indépendance, mais la plupart cèdent leur terre à leur protecteur et deviennent exploitants d'une tenure (ou manse) pour le compte de se dernier[28]. Dans le sens inverse les esclaves sont émancipés en serfs et deviennent plus rentables (cette évolution se fait d'autant mieux que l'Église condamne l'esclavagisme entre chrétiens). La différence entre paysans libres et ceux qui ne le sont pas s'atténue. La frappe de monnaie d'argent depuis plusieurs générations, et son homogénéisation en 781 par Charlemagne est un progrès énorme: Il ne suffit plus pour le paysan de produire ce qu'il faut pour survivre après avoir reversé une partie de sa production à son seigneur, il peut alors vendre des surplus. La révolution agricole est en germe mais elle se concrétisera qu'après les grandes invasions.
[modifier] Conséquences artistiques
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Charlemagne est couronné Empereur d'Occident (Empereur du Saint Empire romain germanique) en 800 à Rome. Il est ébloui par les splendeurs du Latran et il prend goût à l'art méditerranéen. Il contribue à la renovatio (renaissance) de la connaissance et la culture romaine de l'Ouest, et ainsi devient le mécène par excellence des Arts de son temps. Il souhaite s'établir comme héritier des grands empereurs de l'Antiquité, favoriser et lier les accomplissements artistiques de l'art paléochrétien et de la culture byzantine avec les réalisations propres à la culture franque.
Cela va pourtant au-delà d'un désir conscient de vouloir faire revivre la culture de l'ancienne Rome. Pendant le règne de Charlemagne, la controverse iconoclaste divise l'Empire byzantin. Charlemagne se place au centre, ne permettant pas la destruction complète des images humaines (iconoclasme), mais n'allant pas non plus jusqu'à permettre leur vénération (iconodulie). Cette décision de ne pas être iconoclaste en principe, et de permettre d'utiliser les figures humaines avec modération, a d'immenses conséquences, puisque c'est par l'art carolingien que l'art roman de l'Ouest et l'art gothique se développent — si Charlemagne s'était rallié aux Iconoclastes, l'histoire de l'art de l'Ouest aurait été très différente, et il n'aurait pu bénéficier l'apport des artistes fuyant Byzance.
Les manuscrits enluminés, les travaux sur métaux, la sculpture sur ivoire, les mosaïques et les fresques de cette période subsistent.
Environ 80 cathédrales sont construites dans l’empire à cette époque. La plupart sont reconstruites lors de la renaissance des XIe et XIIe siècles (appelée ultérieurement romane / gothique). La chapelle palatine dans le Palais d'Aix-la-Chapelle en est un exemple. Certains de ces monuments reprennent le plan hexagonal des églises d’Orient. Un autre témoin est la petite église de Germigny-des-Prés entre Orléans et Saint-Benoît-sur-Loire.
[modifier] Synthèse
- Articles détaillés : Ordre de Cluny et Abbaye de Gorze.
Le développement intense du monachisme avec des règles communes (voir Benoît d'Aniane), l'instauration d'une écriture unique (la caroline) plus lisible, facilitent le transfert des connaissances et préparent la poussée culturelle, technique et démographique du XIe siècle.
Puissant et bien structuré, l'empire Carolingien présente cependant une faiblesse. En l'absence de guerre l'état n'est pas assez riche pour entretenir ses vassaux. Charlemagne a réussi maintenir l'unité de l'empire au prix de guerres incessantes, d'une surveillance accrue de ses comtes et évêques qu'il assermente. Mais son fils Louis le Pieux doit concéder des terres en pleine propriété et non plus à titre d'usufruit viager comme le faisait son père qui récupérait ainsi ses terres à la mort de ses vassaux[29]. Les règles de partage équitable des terres entre les héritiers conduisent au morcèlement de l'empire après Louis le Pieux.Quand les fils de Louis le Pieux s'entredéchirent pour le partage de l'empire, ils doivent donner de plus en plus d'indépendance à leur vassaux pour conserver leur soutien[30]. Le pouvoir royal s'affaiblit considérablement et l'Europe se divise en principautés entre lesquelles les communications diminuent[27]. Avec le ralentissement des communications la culture générale baisse. Vers la fin du règne des Carolingiens, vers 900, la production artistique s'arrête durant trois générations. Il faut attendre le Xe siècle pour que se recréent sous l'impulsion des ottoniens des États puissants et pereins en Europe.
La renaissance ottono-clunisienne pendant le Xe siècle, et un esprit renouvelé de l'idée de l'Empire, permettent à nouveau au savoir de se diffuser. Les avancées techniques, architecturales, agricoles, artisanales et artistiques reprennent et l'Europe se transforme, démographiquement, socialement et techniquement. Les nouveaux styles pré-romans apparaissent en Allemagne avec la dynastie ottonienne, en Angleterre avec les Anglo-Saxons, ainsi qu'en France, en Italie et en Espagne.)
[modifier] Voir aussi
[modifier] Sources et bibliographie
- Norman F. Cantor (1993). The Civilization of the Middle Ages: a completely revised and expanded edition of Medieval history, the life and death of a civilization. HarperCollins. (ISBN 0-06-017033-6.)
- Mortimer Chambers, Raymond Grew, David Herlihy, Theodore K. Rabb, Isser Woloch (1983). The Western Experience: To 1715, 3rd edition, New York: Alfred A. Knopf. (ISBN 0-394-33085-4).
- Martin Scott (1964). Medieval Europe. New York: Dorset Press. (ISBN 0-88029-115-X).
- Abd Al Haqq .Saint Colomban et le monachisme du VIIe siècle, les baladins de la tradition : [1]
- Site de la Bibliothèque Nationale de France: [2]
- Marc Girot, De Charlemagne à la féodalité, Site de l'IUFM de Créteil: [3]
- La culture monastique des origines au VIe siècle, Encyclopédie de la Langue Française [4]</ref>
- Histoire de l'Espagne: le Royaume Wisigoth, France Ballade: [5]
- Serge Lusignan. Le royaume des Wisigoths dans la péninsule hibérique(du Ve siècle à 711), Site de l'Université de Montréal: [6]
- Serge Lusignan. L’empire carolingien : histoire politique (VIIIe-IXe siècle), Site de l'Université de Montréal: [7]
- Frank-Emmanuel Fleury.La Renaissance carolingienne, Clio et Calliope : [8]
- Jean-Francois Mangin. Développement monastique pendant les carolingiens: [9]
- Herbert Thurston. The Venerable Bede The Catholic Encyclopedia, Volume II: [10]
- Pierre Riché, Les carolingiens, une famille qui fit l'Europe, Paris, Hachette Littératures, 1993, ISBN 2010196384
- Jean Favier, Charlemagne, Paris, Fayard, 1999, ISBN 2213304045
[modifier] Notes et références
- ↑ P. Riché, Les carolingiens, une famille qui fit l'Europe, 1983, p.310
- ↑ Odoacer Encyclopedia Britannica
- ↑ Imago mundi
- ↑ La culture monastique des origines au VIe siècle: Cassiodore Encyclopédie Universelle de le Langue française
- ↑ La culture monastique des origines au VIe siècle Encyclopédie de la Langue Française
- ↑ Justinien#Guerre contre les Ostrogoths
- ↑ La culture monastique des origines au VIe siècle: Grégoire le Grand Encyclopédie Universelle de le Langue française
- ↑ l'Exarchat de Ravenne tombe en 751
- ↑ 9,0 9,1 9,2 Jean-Claude Cheynet L'exarchat de Ravenne et l'Italie byzantine:Clio.fr
- ↑ 10,0 10,1 Serge Lusignan, Le royaume des Wisigoths dans la péninsule hibérique(du Ve siècle à 711), Site de l'Université de Montréal
- ↑ Isidore de Séville, v.530-636: Site de la Bibliothèque Nationale de France
- ↑ J. Favier, Charlemagne, 1999, p.438
- ↑ 13,0 13,1 Abd Al Haqq, Saint Colomban et le monachisme du VIIe siècle, les baladins de la tradition
- ↑ Herbert Thurston. The Venerable Bede The Catholic Encyclopedia, Volume II
- ↑ 15,0 15,1 15,2 Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 42
- ↑ Vassus signifie jeune homme fort et a donné en français "vassal" en opposition à Senior qui signifie vieux et a donné "seigneur"
- ↑ Laurent Vissière, Le chevalier, un héros laborieux, Historia thématique n°90 juillet 2004: La France féodale,Historia
- ↑ 18,0 18,1 18,2 Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 44-45
- ↑ Aurélie Thomas,Les duchés de Bénévent et de Spolète: de la conquête lombarde au début de l’époque carolingienne, Thèse de l'École nationale des chartes 2006 Site de la Sorbonne et Les Lombards Clionide
- ↑ Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 46
- ↑ Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, page 30
- ↑ 22,0 22,1 Laurent Theis, Histoire du Moyen Âge Français, Perrin 1992, page 32
- ↑ Ainsi l'abbaye de Gorze est fondée en 749 par par Saint Chrodegang le saint siège lui confie les reliques de Saint Gorgonius.
- ↑ J. Favier, Charlemagne, 1999, p.444
- ↑ latin médiéval, point d'entrée : succède au latin vulgaire.
- ↑ Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 69
- ↑ 27,0 27,1 Marc Girot, De Charlemagne à la féodalité,Site de l'IUFM de Créteil
- ↑ 28,0 28,1 Philippe Noirel, L'invention du marché, seuil 2004, p.140
- ↑ Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 66
- ↑ En particulier, le roi Charles le Chauve garantit à ses seigneurs la faculté de léguer leurs terres à leur héritier par le capitulaire de Quierzy-sur-Oise du 16 juin 877: André Larané, An Mil: Féodalité, Église et chevalerie Herodote.net
[modifier] Liens internes
- La période carolingienne n'est pas épargnée par la querelle du Filioque : alors que la confession nicéenne avait prévalu sur des hérésies à Rome (nestorianisme + ... ), puis battu l'arianisme au fil de la conversion des Premiers royaumes, l'unité religieuse est perdue à nouveau.
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