Quatuor à cordes
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En musique classique, le quatuor à cordes est une formation de musique de chambre composée de deux violons, d'un alto et d'un violoncelle. C'est également la forme musicale dédiée à ce type de formation — plus exactement, une sonate « en quatuor ».
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- Le quatuor à cordes est sans conteste la formation reine de la musique de chambre : parmi les innombrables combinaisons possible — depuis le duo au dixtuor — seul peut-être le trio avec piano (piano, violon, violoncelle) peut prétendre avoir un répertoire aussi étendu et riche en chefs-d'œuvre.
- Le quatuor à cordes, en tant que genre musical, se développe dans le cadre du style galant et sous l'influence du divertimento vers le milieu du XVIIIe siècle. Il a pour origine le regroupement des instruments à cordes au sein de l'orchestre, les contrebasses se contentant de doubler les violoncelles. Si les premiers quatuors de Luigi Boccherini ne sont que des symphonies pour cordes, Stamitz et Gossec distinguent parmi leurs quatuors ceux qui doivent être joués à quatre de ceux qui doivent être joués par un orchestre.
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[modifier] Caractéristiques
À partir de Joseph Haydn et Wolfgang Amadeus Mozart, le quatuor devient le genre le plus en vogue du répertoire de musique de chambre. La structure épouse dorénavant un modèle quasi-immuable, qui restera une référence, bien qu'il ait été remis en question à plusieurs reprises (op. 131 de Beethoven) :
- 1er mouvement : forme sonate.
- 2e mouvement : adagio, pouvant épouser la structure d'un lied, de la forme sonate mouvement lent, du thème et variations ou une simple structure A B A.
- 3e mouvement : menuet et trio, puis scherzo à partir de Beethoven.
- 4e mouvement : rondo, rondo-sonate ou rondo varié.
Le succès du quatuor à cordes repose sur des aspects à la fois sonores et sociologiques. Le contrepoint à quatre parties permet de faire entendre toutes les harmonies sans doublure superflue. Le quatuor permet en outre une grande homogénéité de timbre et l'équipollence des voix dans le travail contrapuntique.
[modifier] La période classique
Joseph Haydn est généralement considéré comme le père du quatuor à cordes. On trouve avant lui des œuvres écrites pour deux violons, alto et violoncelle — Sammartini et Boccherini, notamment — mais c'est lui qui a su créer ce genre, basé sur l'équilibre de quatre voix indépendantes, égales en importance mais fortement imbriquées, et lui donner ses lettres de noblesse ainsi qu'un répertoire important — 54 quatuors.
Contemporain de Haydn, Mozart admirait beaucoup ses quatuors et en a composé lui aussi. La production de Mozart consiste essentiellement en 4 cycles de quatuors où il a égalé, sinon dépassé, son aîné dans les deux derniers. Les quatuors du troisième cycle sont dédiés à Haydn. Certains portent des petits noms, comme le quatuor des « dissonances » en ut majeur, célèbre pour les frottements harmoniques des premières mesures, ou encore « La Chasse ». Les trois derniers sont dédiés au roi de Prusse, d'où leur surnom de prussiens : le violoncelle y joue un rôle prépondérant. Plus encore que Haydn, Mozart, par son sens inné de la polyphonie, a su faire chanter chaque instrument du quatuor. Cependant, le divertimento pour trio à cordes et les six quintettes à cordes — à deux altos — constituent sans doutes des sommets encore plus remarquables dans sa production.
[modifier] Beethoven
Ludwig van Beethoven n'a pas abordé le quatuor avant l'âge de 30 ans où il a publié un premier recueil de six quatuors, l'opus 18. Ils témoignent d'une parfaite maîtrise de l'écriture mais demeurent, stylistiquement, dans l'ombre de Haydn. La révolution interviendra avec les trois quatuors « Razumovski », opus 59 : Beethoven y fait exploser le moule classique : comme il l'avait fait dans un autre domaine, les sonates pour piano, il étire les formes, pousse les développements, les nuances, les graves et les aigus, les répétitions jusqu'à l'exaspération. Son chemin se poursuivra avec l'opus 74 « les Harpes », où il atteint la plénitude de sa deuxième période créatice. Une seconde rupture intervient avec l'opus 95 « serioso », âpre et même abrupt. Plus court, plus concentré que les précédents, sa modernité est surprenante et surprend nos oreilles encore aujourd'hui. Il faudra sans doute attendre Bartók pour entendre quelque chose de plus moderne dans le domaine du quatuor. Les derniers quatuors sont autant de chef-d'œuvres : c'est sur eux qu'il a consacré l'essentiel de ses dernières années, ayant achevé la 9e symphonie, muré dans la solitude et la surdité. Wagner disait de ces quatuors qu'il ne faudrait pas les jouer en public, car ils étaient l'expression d'une grande souffrance. Le fait est, pour les interprètes comme pour le public, qu'il ne faut pas aborder ces chef-d'œuvres insurpassables sans préparation.
[modifier] La période romantique
L'ombre du grand Beethoven a beaucoup pesé sur les musiciens qui l'ont suivi, dans le domaine du quatuor plus encore que dans la symphonie. Schumann, Mendelssohn, Brahms ont approché ou égalé, mais pas dépassé le modèle beethovénien. Notons l'exception de Schubert, qui a trouvé dans ses trois derniers quatuors — ainsi que dans le quintette à deux violoncelles — l'expression personnelle d'un génie achevé : contemporain de Beethoven, il est mort 18 mois seulement après lui.
Le quatuor est fort prisé des compositeurs romantiques. Il reste synonyme d'effort, de concentration et de rigueur. Pendant tout le XIXe siècle, il reste une spécificité allemande, et française dans une moindre mesure — notamment à la fin du siècle —, à quelques exceptions près, comme en témoigne la présence d'un quatuor dans le catalogue de Giuseppe Verdi. Bien entendu, les compositeurs marqués par l'esthétique wagnérienne du Gesamtkunstwerk (œuvre d'art total), la musique à programme (Hector Berlioz, Franz Liszt) ou bien par le chromatisme et la puissance orchestrale de Wagner (Anton Bruckner, Gustav Mahler, Richard Strauss), se désintéressent du quatuor.
Il va sans dire que dans le débat qui oppose, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les tenants de la musique pure — Eduard Hanslick, Johannes Brahms — aux défenseurs de la musique à programme — Franz Liszt et son cercle de Weimar —, le quatuor à cordes réprésente pour les premiers le genre noble par excellence : l'écoute d'un quatuor est synonyme de contemplation des formes musicales pour elle-même, par opposition à une écoute qui serait guidée par un programme poétique.
[modifier] Le XXe siècle
Au début du XXe siècle, le quatuor à cordes est pour certains compositeurs, tels Arnold Schönberg, Alban Berg, Anton Webern, Maurice Ravel, Béla Bartók, Claude Debussy, synonyme d'expérimentation, d'étape dans la recherche d'un idéal en matière de composition musicale, à tel point que le critique musical contemporain Dominique Jameux a parlé de laboratoire de formes. Le quatuor de Gabriel Fauré (1924) est l'œuvre d'un musicien désireux de parachever sa longue carrière de compositeur par un chef-d'œuvre de pureté et d'ascétisme. Il s'agit dans ces dernier cas d'œuvres essentiellement isolées même si elles sont souvent d'une importance capitale dans l'histoire de la musique.
Au contraire, Darius Milhaud (16 quatuors), Heitor Villa-Lobos (17 quatuors), et surtout Dmitri Chostakovitch (15 quatuors), ont par l'importance et la qualité de leur cycle, contribué à renouveler la tradition de cette forme musicale. On peut également citer les œuvres de Janáček, Benjamin Britten, Hindemith, Martinů, etc.
La jeune génération de l'après-guerre tente un renouvellement du quatuor — Olivier Messiaen, Quatuor pour la fin du temps, pour violon, violoncelle, clarinette et piano, écrit en captivité dans un camp de prisonniers en Silésie durant la Seconde Guerre mondiale ; Pierre Boulez, Livre pour quatuor à cordes de 1948 — avant de le reléguer parmi les pièces d'un musée des genres musicaux appartenant à un passé révolu.
Les générations suivantes, marquées par la postmodernité, se réintéressent au genre, dans un souci de dialoguer avec l'histoire et de renouer avec la tradition. Si György Ligeti et Elliott Carter font figure de précurseurs en ce domaine, Helmut Lachenmann en Allemagne, Brian Ferneyhough en Grande-Bretagne, Philippe Fénelon, Philippe Hersant et Nigel Keay en France, chacun suivant sa propre voie, semblent ne plus vouloir déroger à la règle selon laquelle tout compositeur confirmé doit se mesurer à un genre toujours réputé difficile.
[modifier] Conclusion
Très peu de compositeurs après Haydn n'ont pas abordé le quatuor à cordes — parmi eux, Berlioz, Liszt, Chopin et Wagner. Mais tous ceux qui l'ont fait y ont laissé le plus intime et souvent le meilleur d'eux-mêmes. Songeons à Fauré, quelques mois avant sa mort, compositeur largement reconnu et apprécié : il soumet humblement un quatuor à ses proches en leur demandant s'il vaut mieux le détruire ou le conserver... Fort heureusement pour nous, il ne l'a pas détruit. On l'aura compris, faire une histoire du quatuor, c'est faire une petite histoire de la musique.
[modifier] Bibliographie succincte
Sylvette Milliot, Le quatuor, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », Paris, 1986, 127 p. (ISBN 2130393349)
Bernard Fournier, L'esthétique du quatuor à cordes, Fayard, 1999, 706 p. (ISBN 2213605076)
Bernard Fournier, Histoire du quatuor à cordes, vol. 1 : De Haydn à Brahms, Fayard, 2000, 1206 p. (ISBN 2213607583)
Bernard Fournier et Roseline Kassap-Riefensthal, Histoire du quatuor à cordes, vol. 2 : De 1870 à 1945, Fayard, 2004, 1500 p. (ISBN 221361069X)
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens externes
- Concours international de quatuor à cordes de Bordeaux (ex Évian), organisé tous les deux ans dans le cadre du Grand Théâtre de Bordeaux
[modifier] Liens internes
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