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Histoire du Rwanda

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Cet article concerne l'histoire du Rwanda.

Sommaire

[modifier] Époque précoloniale

Lors de la colonisation, les ethnologues européens et pères blancs de l'Église catholique contribuèrent à diffuser une histoire du Rwanda qui est aujourd'hui largement remise en cause. Les premiers habitants auraient été des Pygmées, certainement des ancêtres des Twa actuels.

Les premiers signes de présence humaine au Rwanda datent de 1000 ans av. J.-C. Des archéologues ont découvert les traces d'une civilisation maîtrisant le fer et la poterie. Les ethnologues et pères blancs affirment que cette population venait de l'actuelle République démocratique du Congo. C'est à cette époque-là qu'ils considèrent que les tous premiers Tutsi (originaires du Nord) et Hutu (originaires de l'Ouest) sont arrivés dans l'actuel Rwanda.

C'est vers le Xe siècle que le Rwanda commence à se transformer en une véritable nation.

Pour les pères blancs le Rwanda était divisé, jusqu'à l'arrivé des premiers colons, en trois groupes :

  • les chefs de sol, principalement des Hutu;
  • les chefs de pâturages, des Tutsi;
  • les chefs des armées, également des Tutsi.

Cette conception ethniste est aujourd'hui remise en cause au profit de la conception socio-professionnelle. L'ensemble de la population partage la même langue, la même religion et la même culture, critères employés habituellement pour définir l'ethnie. Les catégories hutu (agriculteurs), tutsi (éleveurs), twa (artisans) n'étaient pas figées et il était fréquent de passer d'une classe à l'autre selon les mariages ou la richesse. En kinyarwanda, kwituhura signifie à la fois devenir tutsi et s'enrichir.

[modifier] Époque coloniale

Les premiers européens qui évoquèrent le Rwanda dans leurs récits indirects furent Richard Francis Burton et John Hanning Speke, au milieu du XIXe siècle. Ce pays est également évoqué en 1885 lors de la conférence de Berlin par Henry Morton Stanley.

Après la brève incursion de 4 jours en 1892 d'un explorateur autrichien, en 1894 le comte allemand Gustav Adolf von Götzen entre officiellement au Rwanda à la tête d'une troupe de 620 soldats. Le Rwanda est ainsi probablement le dernier pays découvert et colonisé en Afrique par les Européens.

En 1916, pendant la Première Guerre mondiale, les Belges chassent les Allemands du Rwanda et occupent à leur tour le pays. En 1919 le Traité de Versailles attribue le Rwanda à la Belgique, et en 1924 la Société des Nations confie à la Belgique un mandat de tutelle. Le gouvernement colonial s'appuie sur les autorités locales en place, le Mwami Yuhi Musinga et l'aristocratie tutsi.

En 1931, Yuhi Musinga, qui refuse de se faire baptiser, est obligé de partir en exil dans l'actuelle République démocratique du Congo. La Belgique confie le pouvoir à son fils le Mwami Mutara Rudahigwa, converti au catholicisme. La Carte d'identité ethnique est instituée.

Les missions catholiques prennent de plus en plus d'importance dans le pays. Elles se chargent de l'éducation sur tout le territoire.

En 1956, Mutara Rudahigwa commence à revendiquer l'indépendance du pays auprès de l'ONU.

C'est également dans les années cinquante que la question de « l'ethnie », est devenue « raciale » (pour la genèse de cette idéologie voir Gobineau, Vacher de Lapouge) avec l'idéologie et la propagande politique diffusées par l'Église et les hommes politiques.

[modifier] L'indépendance

Le 25 juillet 1959, Mutara Rudahigwa meurt dans des conditions mystérieuses. Kigeli V Ndahindurwa est alors placé au pouvoir par les conseillers de Mutara Rudahigwa. Avec le soutien de l'Église, les Hutu refusent cette succession. Ils veulent être intégrés au nouveau gouvernement. Des manifestations dégénèrent en révoltes après l'assassinat d'un homme politique hutu. Les Tutsi étant en minorité, ils sont pourchassés et massacrés, le pays plonge alors en pleine guerre civile.

En 1960, l'ancien gouvernement de Kigeli Ndahindurwa quitte le pays pour l'Ouganda, ainsi que plus de 200'000 Tutsi.

En janvier 1961, un référendum est organisé, 80% des votants se prononcent pour la mise en place d'une république. En septembre de la même année, le parti politique hutu Parmehutu, obtient 78% des sièges de l'Assemblée nationale du Rwanda. Le 26 octobre, Grégoire Kayibanda devient le premier président de la République du Rwanda.

Le Conseil de tutelle des Nations unies insiste pour que la Belgique accorde l'indépendance au Rwanda. C'est chose faite le 1er juillet 1962.

[modifier] La première République hutu

[modifier] Les événements de décembre 1963

Les Tutsi exilés essayent de revenir sur le territoire rwandais par la force en 1963 : ils échouent. De nouveaux massacres sont commis contre les Tutsi vivant au Rwanda[1].

[modifier] Les événements de 1973

[modifier] Une campagne d'épuration ethnique dans l'enseignement

À la suite d'une violente campagne anti-tutsi dans les institutions scolaires, en juillet 1973, Grégoire Kayibanda est destitué par son ministre de la défense, le général Juvénal Habyarimana. Une nouvelle vague de Tutsi prendront le chemin de l'exil à la suite de ces événements.

[modifier] Le coup d'État de Juvénal Habyarimana

Grégoire Kayibanda et une grande partie de son dernier gouvernement mourront en prison, faute de soin[réf. nécessaire].

[modifier] La deuxième République hutu

[modifier] Les années de séduction

Après son coup d'État, le général Juvénal Habyarimana semble ne plus vouloir pratiquer la politique de discrimination ethnique de Grégoire Kayibanda, empêchant les Tutsi d'accéder à des postes de responsabilité politique mais applique tout de même un système de quotas. Seuls 10% des Tutsi seront admis dans les écoles, les universités et les emplois et presque aucun Tutsi n'accèdera à un poste de maire ou de préfet. Si quelques Tutsi réussirent à se développer économiquement en sachant prendre de l'ascendant sur le pouvoir, comme Valens Kajeguhagwa (ami de Pasteur Bizimungu qui deviendra membre de l'Akasu), d'autres payèrent leur succès en subissant emprisonnements arbitraires et confiscation de leurs biens[réf. nécessaire]. Valens Kajeguhagwa finira par subir le même sort avant de s'enfuir rejoindre le FPR avec Pasteur Bizimungu en 1990.

En 1975, Juvénal Habyarimana fonde son parti, le Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND). En 1978, il change la Constitution et fait adopter un régime à parti unique.

Malgré sa dictature, Juvénal Habyarimana réussira à séduire les démocraties occidentales et à faire passer son pays pour la « Suisse de l'Afrique ». L'aide internationale au développement arrivera. Même les journalistes qui ont développé les critiques les plus violentes contre lui lui étaient plutôt favorables dans les années 1980. En 1998, Faustin Twarigamungu, opposant au président Habyarimana, Premier ministre de 1994 à 1995

« a rappelé que, si l’opposition avait dénoncé les crimes du Président Habyarimana, en particulier l’assassinat mystérieux de son prédécesseur et de certains de ses ministres, si elle l’avait mis en cause pour sa façon contestable de gouverner et notamment pour le népotisme qui prévalait dans son entourage, si elle avait dénoncé la constitution d’une armée régionale en lieu et place d’une armée nationale, le manque d’un projet de société répondant aux aspirations des citoyens à vivre ensemble et l’avait régulièrement traité de dictateur, et même de dictateur fatigué, jamais le Président Habyarimana n’avait été accusé d’être l’ennemi des Tutsis. On disait même au contraire que le coup d’Etat qu’il avait fait les avait favorisés, et qu’en tout état de cause, il leur avait ouvert le secteur privé où ils étaient devenus prospères[2]. »

Les travaux collectifs « umuganda », service civique imposé le samedi, sont utilisés pour stimuler des actions de développement. De nombreux projets de développement, facilités par des jumelages avec des collectivités locales européennes (Belgique, France, Allemagne, Suisse, etc.) soulignent ces bonnes relations entre l'Europe est le Rwanda.

Les Églises sont très actives aussi dans ces projets. Le pape se rendra au Rwanda très catholique en septembre 1990.

Sous la pression de la « communauté internationale », notamment du discours de La Baule de François Mitterrand le 20 juin 1990, Juvénal Habyarimana abandonne le 5 juillet 1990 la présidence de son parti unique et décide de changer la Constitution pour donner naissance à une démocratie en autorisant la création de partis politiques.

[modifier] L'attaque des exilés Tutsi le premier octobre 1990

Les exilés tutsi s'organisent et créent le Front patriotique rwandais (FPR). Le 1er octobre 1990, venant de l'Ouganda, l'APR (Armée Patriotique Rwandaise, branche armée du FPR) entre en force au nord du Rwanda et tue plusieurs milliers de civils. Cette APR est pour l'essentiel constituée de militaires de l'Armée Ougandaise. Ils entrent au Rwanda en uniformes ougandais, portant insignes et galons ougandais. L'armée rwandaise ramassera des dizaines de cartes d'identité militaire ougandaises sur les corps des soldats de l'APR tués au combat.Au moment où l'APR entre au Rwanda, son chef Fred Rwigema est le numéro deux de l'armée ougandaise, en fonctions au moment même où il passe au Rwanda. Ce soutien de l'Ouganda à l'APR ne se démentira jamais - jusqu'en 1993 au moins - puisque, lors de l'affaire de Ruhengeri en février 1993, l'armée rwandaise capturera un camion de la Police Militaire ougandaise qui transportait des troupes de l'APR. Ce véhicule contenait, dans la boîte à gants, l'ordre de mission signé par le lieutenant-colnel commandant la police miltaire ougandaise qui le plaçait, pour la période considérée, « in special duty ».

Le président Habyarimana appelle ses amis à le soutenir. Des troupes françaises sont envoyées dès le 4 octobre 1990, des troupes belges arrivent le lendemain ainsi que des troupes zaïroises. Ces dernières seront les seules à être engagées au combat tandis que troupes belges et françaises se contenteront de sécuriser la capitale où se trouvent la grande majorité des expatriés.

Selon divers auteurs, notamment Abdul Joshua Ruzibiza[3], Pierre Péan[4], Filip Reyntjens et Serge Destouter [5], les attaques militaires de 1990-1991 ont été accompagnées par des massacres systématiques de civils.

Le lieutenant Abdul J. Ruzibiza note dans son livre Rwanda, l'histoire secrète que « le FPR a détruit des investissements de développement partout où il a combattu : à Nyagatare, à Gabiro, il a détruit et pillé énormément. Le bétail du Mutara a été largement abattu [dans un pays rural à plus de 90 %]. » Le tourisme quant à lui a souffert de la quasi disparition des animaux vivant dans le parc national, tués ou partis.

[modifier] La démocratisation

La France conditionne son appui militaire à la démocratisation du pays[6]. Dès le 10 juin 1991, une nouvelle Constitution est proclamée : les fonctions de chef de l'État et de chef de gouvernement son séparées (un poste de Premier ministre est créé), le multipartisme est instauré, des opposants sont libérés de prison, les fonctionnaires reçoivent le droit de grève.

Des manifestations publiques sont menées par les nouveaux partis de l'opposition. On verra jusqu'à cent mille manifestants dans les rues de Kigali en janvier 1992. Des manifestations auront aussi lieu dans d'autres villes. Des manifestations ont lieu dans le sud du pays. Les participants souhaitent que le FPR ne soit pas considéré comme un ennemi de l'extérieur. Ils demandent un gouvernement de transition pour redistribuer le pouvoir dans le pays et poursuivre des négociations véritables avec le FPR[réf. nécessaire].

Des massacres de Tutsi sont commis dans le Bugesera au sud-est du Rwanda. Les durs du régime créent la Coalition de défense de la République (CDR), et en même temps une milice nommée « Impuzamugambi » (ceux qui poursuivent le même but). Les milices Interahamwe, qui assimileront les autres milices pendant le génocide, sont aussi créées pendant cette période par le MRND, le parti du président.

Mais la ministre de l'Education nationale, Agathe Uwilingiyimana, une enseignante du sud du Rwanda, imposera un contrôle policier de la bonne tenue des examens. Beaucoup moins de jeunes hutu du Nord (la région du président) seront cette année là reçus aux examens. Un commando agressera Agathe Uwilingiyimana. Des milliers de Rwandaises braveront les menaces armées des Interahamwe dans la rue, se regroupant dans une manifestation par solidarité avec Agathe Uwilingiyimana à la fin de l'été 1992[réf. nécessaire].

En 1992, les partis d'opposition remportent les élections. Le président Habyarimana perd progressivement une grande partie de ses pouvoirs (dans une situation assez comparable avec celle de la cohabitation en France), en même temps qu'il doit faire face au durcissement de ses partisans les plus extrémistes.

[modifier] La nouvelle offensive du FPR et les accords d'Arusha

À partir de 1992, les négociations d'Arusha, conduites en Tanzanie avec le FPR et dont les accords sont signés en août 1993, prévoient à terme l'intégration politique et militaire des différentes composantes internes et externes de la nation rwandaise. Ces négociations sont retardées notamment par la grande attaque du FPR, en février 1993, encore une fois accompagnée de massacres de civils. Selon le ministre de la Défense James Gasana, les troupes de l'APR tuent quarante mille personnes et provoquent le déplacement d'un million d'autres, fuyant les tueries.[7]

L'armée française se retire fin 1993, conformément aux négociations d'Arusha, pour laisser l'ONU déployer au Rwanda une mission de paix, la Minuar. Selon le lieutenant Ruzibiza, l'unité Charlie Mobile de la branche armée du FPR se livre à un massacre dans la nuit du 29 au 30 novembre 1993, dans la commune de Mutura. Pour faire croire à un massacre d'extrémistes hutues, une partie des victimes sont des tutsis.

Un détachement de six cents soldats du FPR est autorisé par les négociations d'Arusha à s'installer au CND (parlement rwandais). À la stupeur de la Minuar qui craignait le pire lors de ce transfert, ce détachement est acclamé par la foule à son arrivée à Kigali le 28 décembre 1993[réf. nécessaire]. Cet accueil chaleureux est sans doute un écho des manifestations de 1992 dans les rues de Kigali.

La mise en œuvre de ces accords est partiellement retardée par le président Habyarimana, dont les alliés extrémistes de la CDR (Coalition de Défense de la République) n'acceptent pas les termes. Madame Agathe Uwilingiyimana est choisie comme Premier ministre pendant les négociations d'Arusha, mais en vertu des accords aurait du être remplacée depuis plusieurs mois par Faustin Twagiramungu.

[modifier] Le génocide

Le 6 avril 1994, l'avion du président Habyarimana est abattu alors qu'il s'apprêtait à atterrir à Kigali. Les membres dissidents du gouvernement, dont la première ministre Agathe Uwilingiyimana, ainsi que des opposants, sont éliminés dès le lendemain et un gouvernement intérimaire est mis en place, avec Jean Kambanda pour premier ministre. Le génocide durera jusqu'au 4 juillet 1994. Il fera entre 500 000 et 800 000 morts.

Voir la série Génocide au Rwanda.

[modifier] Après le génocide

[modifier] Une période de « transition politique » : 1994-2003

Le 4 juillet 1994, le FPR prend la capitale, Kigali, et constitue le 19 juillet un gouvernement sur la base des accords d'Arusha, première étape de la reconstruction de l'État rwandais. Une période de transition politique est décrétée.

Le président de la République est un ancien Hutu ayant rejoint le FPR, Pasteur Bizimungu, homme d'affaire, administrateur de banque, ayant occupé le poste de président directeur général de l'entreprise publique « Électro-Gaz » jusqu'au moment de sa fuite du Rwanda en 1990. Le Premier ministre est également d'origine Hutu, ainsi que plusieurs autres ministres, dont celui de la justice. Mais « l'homme fort » du Rwanda est le général major Paul Kagame, vice-président et ministre de la défense, cofondateur du FPR, ancien exilé Tutsi en Ouganda.

Dès 1995, le Premier ministre Faustin Twagiramungu démissionne, et accuse le FPR d'avoir massacré 250 000 personnes[8].

L'un des problèmes les plus aigus après le génocide est de rendre la justice. Très vite ce sont 130 000 présumés génocidaires qui sont emprisonnés. Selon des associations humanitaires comme Amnesty international, les charges qui pèsent sur la majorité de ces détenus sont faibles et les droits de la défense ne sont pas respectés [2]. Il ne reste qu'une petite dizaine de juges et l'administration judiciaire est détruite. Beaucoup de rescapés vivent dans le voisinage des tueurs de leur famille[9]. La question de la réconciliation est souvent mise en avant comme solution politique, très mal acceptée par les rescapés.

Le Tribunal pénal international pour le Rwanda est constitué par l'ONU fin 1994 par la résolution 955 du Conseil de sécurité[10].

Les forces génocidaires qui se sont repliées au Zaïre, anciennes FAR et milices interahamwe, se livrent à des infiltrations violentes dans le nord-ouest. En 1996, le Rwanda s'allie avec l'Ouganda et les rebelles de l'Est du Zaïre. Selon les opposants, les dissidents, le groupe d'expert de l'ONU chargé d'étudier cette question [11], des universitaires[12], l'ancien ministre congolais Honoré Ngbada Nzambo [13], Pierre Péan [14] et Stephen Smith[15], l'argument sécuritaire n'est qu'un prétexte pour contrôler l'Est du Congo, où vivent les banyamulenge, congolais rwandophones, et dont une partie a été une province rwandaise avant la fixation des frontières, en 1896.

La coalition militaire conquiert le Zaïre, quatre-vingt-dix fois plus grand que le Rwanda, et renverse en 1997 son président, Mobutu Sese Seko (voir les articles Première guerre du Congo puis Deuxième guerre du Congo).

Après la prolongation de la période de transition, plusieurs changements de premiers ministres, la démission du président de l'assemblée nationale, Pasteur Bizimungu démissionne en 2000. Paul Kagame est élu président de la République par l'assemblée nationale de transition.

En 2002, l'armée rwandaise quitte officiellement la République démocratique du Congo, (ex-Zaïre depuis 1997). Toutefois, dès le début de 2003, le troupes rwandaises envahissent de nouveau l'est de la RDC[16], et ne commencent à être évacuées que six mois plus tard, après l'envoi de casques bleus. Le 1er juin 2004, les troupes rwandaises et leur alliés rwandophones occupent la ville de Bukavu, dans le sud du Kivu, mais, dès le 8 juin, les pressions de l'ONU contraignent les troupes à se retirer[17]. Le mouvement RDC-Goma reste armé et soutenu par Kigali.

Malgré les immenses difficultés pour reconstruire le pays qui ont marqué la période de transition, la pression de la communauté internationale aidant, le pouvoir rwandais prépare une constitution et des élections au suffrage universel pour 2003. À tort ou à raison, la crainte manifestée par certains rescapés tutsi de voir le pouvoir à nouveau entre les mains de supposés proches des génocidaires est réveillée. Des intimidations de candidats et d'électeurs, afin qu'ils votent pour le pouvoir en place, sont remarquées[18].

En 2002, accusé de corruption, l'ancien président de la république, Pasteur Bizimungu, est arrêté et mis en prison. Il est accusé d'avoir constitué un parti politique d'opposition non autorisé par les accords d'Arusha (qui limitaient les partis à ceux qui les avaient signés), des malversations financières et d'avoir publié un article où il manipule les concepts « hutu/tutsi ». Il est condamné à quinze ans de prison. Des associations de défense des droits de l'homme, comme Amnesty International, voient en M. Bizimungu un « prisonnier d'opinion », incarcéré pour son opposition au président Kagame plutôt que pour les motifs officiellement invoqués[19]. Le MDR, signataire des accords d'Arusha, accusé d'abriter en son sein un courant idéologique génocidaire, est dissout par les députés. Une association des droits de l'homme est aussi menacée pour les mêmes raisons.

C'est dans ce climat de suspicion de « division » que se déroulent les élections en 2003.

[modifier] Les consultations électorales de 2003

Inspirée des principales constitutions occidentales, elle laisse néanmoins une large place aux problèmes spécifiques du Rwanda post-génocidaire, inscrivant dans la constitution le refus de l'ethnisme hérité du colonialisme, ce qui est dénoncé comme une hypocrisie par les opposants au FPR, ainsi que par MM. Guichaoua, Reyntjens[20], Smith[21] et Péan, ainsi que par Mme Vidal[22]. Elle crée aussi des outils juridiques pour favoriser la place des femmes dans la vie politique (art. 185 et 187). Selon Human Rights Watch, la Constitution de 2003 viole « le droit d'association, de libre expression et de représentation politique assurée par des élections libres[23] ».

Paul Kagame est élu président de la République contre son principal opposant, Faustin Twagiramungu [3], du MDR dissous. Le score de Paul Kagame, 95 %, suggère un manque de liberté dans le processus électoral. Des membres du comité de soutien à Faustin Twagiramungu ont été arrêtés la veille du scrutin. Certains ont subi des violences avant d'être relachés. Les observateurs de la communauté européenne ont émis des critiques, regrettant des pressions exercées sur le corps électoral, et ont constaté des fraudes, mais estiment qu'un pas important vers la démocratie a été franchi. Amnesty International[24] et Human Rights Watch ont en revanche manifesté un grand scepticisme sur la démocratisation du Rwanda.

  • Les élections législatives au suffrage universel - 2 octobre 2003

Les députés favorables à Paul Kagame obtiennent la majorité des sièges.

49% des députés sont des femmes, ainsi qu'une très forte proportion de sénateurs et de ministres.

[modifier] Mise en place des « gacaca »

La difficulté de juger les nombreux prisonniers, qui croupissent dans les prisons rwandaises incite à relancer les gacaca, structures de justice traditionnelle (de agacaca, « petite herbe » ou « gazon » en kinyarwanda, allusion à l'habitude de ces tribunaux de se réunir sur l'herbe). On forme rapidement des personnes intègres pour présider ces tribunaux populaires. Pour désengorger les prisons, des prisonniers de certaines catégories sont relachés, sans être amnistiés, avant de passer devant les gacaca. Ces décisions ravivent, dans la société rwandaise et la diaspora, le débat controversé sur la réconciliation.

Le 15 janvier 2005, huit mille nouvelles juridictions « gacaca », (tribunaux populaires chargés de juger les auteurs présumés du génocide de 1994), ont entamé la phase administrative de leur travail. Elles viennent se rajouter aux 750 « gacaca » pilotes mises en place depuis 2001. L'expérience des « gacaca » pilotes laisse penser qu'il y aura au moins sept cent cinquante mille personnes, soit un quart de la population adulte, dénoncées et jugées par ces assemblées populaires.

Amnesty international estime que « cette volonté de traiter les affaires aussi rapidement que possible a accru la suspicion régnant sur l’équité du système. Certaines décisions rendues par les tribunaux gacaca faisaient douter de leur impartialité[25]. » L'association souligne également que « Le 7 septembre 2005, Jean Léonard Ruganbage, du journal indépendant Umuco, a été arrêté à la suite de l’enquête qu’il avait menée sur l’appareil judiciaire et le gacaca. »

[modifier] Liens internes

[modifier] Notes

  1. Le Monde, 4 février 1964
  2. Audtion de M. Faustin Twagiramungu
  3. Rwanda, l'histoire secrète, éd. Panama, 2005
  4. Noires fureurs, blancs menteurs, éd. Fayard/Mille et une nuits, 2005
  5. Serge Desouter et Filip Reyntjens, Rwanda. Les violations des droits de l'homme par le FPR-APR, Anvers, 1995, p. 3 et passim
  6. Pierre Favier et Michel Martin-Roland, La Décennie Mitterrand, tome 4, éd. du Seuil, « Points », 2001, pp. 543-544 ; voir aussi Bernard Lugan, François Mitterrand, l'armée française et le Rwanda, éd. du Rocher, 2005
  7. Rapport de James Gasana, cité dans Charles Onana, Les Secrets de la justice internationale, op. cit., pp. 52-53
  8. Audition de M. Faustin Twagiramungu
  9. Esther Mujawayo et Souâd Belhaddad, La fleur de Stéphanie, Flammarion, 2006.
  10. [1]
  11. Rapport final du groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesses de la République démocratique du Congo, document S/2002/1146, New York, 16 octobre 2002, p. 15
  12. Notamment Bernard Leloup, « Le Rwanda et ses voisins », Afrique contemporaine, n° 215, 2005-3, pp. 82-85
  13. Crimes organisés en Afrique centrale. Révélations sur les réseaux rwandais et occidentaux, éd. Duboiris, 2004
  14. Noires fureurs, blancs menteurs, éd. Mille et une nuits, 2005
  15. Négrologie. Pourquoi l'Afrique meurt, éd. Calmann-Lévy, 2003, et Hachette, 2004, pp. 19-20
  16. L'État du monde 2004, éd. La Découverte, 2003, p. 157
  17. L'État du monde 2005, éd. La Découverte, 2004, p. 157
  18. Amnesty International, Rwanda. La répression s'accroît contre l'opposition, Index AI : AFR 47/004/2003 ; Rwanda. Les menaces et les actes de harcèlement se multiplient à l’approche des présidentielles, 22 août 2003, Index AI : AFR 47/010/2003
  19. De plus en plus de prisonniers d’opinion, 7 juin 2002, Index AI : AFR 47/002/02 ; Human Rights Watch, Rwanda : jugement historique attendu pour l’ancien président et sept autres accusés
  20. « La “transition politique” au Rwanda », dans L'Afrique des grands lacs : annuaire 2003-2004, éd. L'Harmattan, pp. 1 à 20
  21. « Au Rwanda, le sacre électoral de la peur dix ans après le génocide », Le Monde, 7 novembre 2003
  22. « L'espoir en trompe-l'œil », Le Nouvel Observateur, n° 2015, 19 juin 2003
  23. La préparation des élections : Resserrer l'étau au nom de l'unité, document de présentation, mai 2003
  24. Rapport 2004
  25. Rapport 2006

[modifier] Liens externes


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