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Wikipédia:Sélection/Wikisource - Wikipédia

Wikipédia:Sélection/Wikisource

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Portail de la littérature – Accédez aux articles de Wikipédia concernant la littérature.

s:Lignes de faille

Lignes de faille

Au moment où on s'approche de la maison - avant que mère ne nous crie dessus parce qu'on est en retard et qu'elle était morte de peur, avant qu'elle ne punisse Johann en 1'envoyant au lit sans souper, avant que la sirène ne se mette à hurler au milieu de la nuit, précipitant toute la famille dans la cave pieds nus et en pyjama, avant que toutes ces choses ne viennent briser la féérie de mouvement et de lumière et de musique qui jouait dans mon cœur pendant la longue marche de retour dans le noir aux côtés de Johann -, oui, juste au moment où on s'approche de la maison, Johann lâche la corde de la luge et me prend par les épaules et me tourne vers lui.

Posant un doigt sur ses lèvres, il me dit dans son allemand lent et singulier : "Pas Johann : Janek. Pas allemand : polonais. Pas adopté : volé. Mes parents sont vivants, ils habitent à Szczecin. Je suis volé, ma chère Fausse-Kristina. Et toi aussi."

Nancy HustonLignes de faille (éd. Actes Sud – 2006 , page 430)

s:Gaspard de la nuit- À M. David, statuaire

Gaspard de la nuit

À M. David, statuaire.

(…) Et j'ai prié, et j'ai aimé, et j'ai chanté, poète pauvre et souffrant! Et c'est en vain que mon coeur déborde de foi, d'amour et de génie!

C'est que je naquis aiglon avorté! L'œuf de mes destinées, que n'ont point couvé les chaudes ailes de la prospérité, est aussi creux, aussi vide que la noix dorée de l'Égyptien.

Ah! l'homme, dis-le-moi, si tu le sais, l'homme, frêle jouet, gambadant suspendu aux fils des passions, ne serait-il qu'un pantin qu'use la vie et que brise la mort?

Aloysius Bertrand (20 avril 1807 - 1841) – Gaspard de la nuit

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s:Sables mouvants- Prévert

Sables mouvants

Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Démons et merveilles
Vents et marées
Et toi
Comme une algue doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.

Jacques Prévert (1900- avril 1977) – Paroles (éd. Gallimard - 1946/1949) (Poème mis en musique par Joseph Kosma)

s:Vauban - G. Bruno

Vauban

Au même siècle que Bossuet , dans la Bourgogne naquit le jeune Vauban.

Dès l'âge de dix-sept ans il s'engagea comme soldat, et se fit tout de suite remarquer par son courage. Un jour, au siège d'une petite ville dont les murs étaient entourés par une rivière, il se jeta à la nage et, montant sur les remparts, entra le premier dans la place.

Si Vauban n'avait été que brave, son nom eût pu être oublié dans un pays où la bravoure est si peu rare ; mais Vauban était studieux, et tous ses loisirs, il les consacrait à l'étude. Il s'occupait des sciences ; il lisait au milieu des camps des livres de géométrie. Il obtint le grade d'ingénieur, et ce fut comme ingénieur qu'il montra son génie. Le roi Louis XIV le chargea de fortifier nos principales places de guerre. Toute la ceinture de places fortes qui défend la France est son œuvre : Dunkerque, Lille, Metz, Strasbourg, Phalsbourg, Besançon et plus de trois cents autres.

— Quoi ! s'écria le petit Julien, c'est Vauban qui a fortifié Phalsbourg, où je suis né, et Besançon, dont j'ai si bien regardé les murailles ! Voilà un grand homme dont je n'oublierai pas le nom à présent. Puis il reprit sa lecture.

G. BrunoLe Tour de la France par deux enfants - 1877 (page 101) [1]

s:Howl -Allen Ginsberg

HOWL

J’ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés hystériques nus,

se traînant à l’aube dans les rues nègres à la recherche d’une furieuse piqûre,

initiés à tête d’ange brûlant pour la liaison céleste ancienne avec la dynamo étoilée dans la mécanique nocturne,

qui pauvreté et haillons et œil creux et défoncés restèrent debout en fumant dans l’obscurité surnaturelle des chambres bon marché flottant par-dessus le sommet des villes en contemplant du jazz,

qui ont mis à nu leurs cerveaux aux Cieux sous le Métro Aérien (...)

Allen Ginsberg (mort le 5 avril 1997) - Howl (début) - (Christian Bourgois éditeur, 1956) [2]

s:Sherlock Holmes - Conan Doyle

Sherlock Holmes

Holmes n’était certes pas un homme avec qui il était difficile de vivre. Il avait des manières paisibles et des habitudes régulières. Il était rare qu’il fût encore debout après dix heures du soir et invariablement, il avait déjeuné et était déjà sorti avant que je ne me lève, le matin. Parfois il passait toute la journée au laboratoire de chimie, d’autres fois, c’était dans les salles de dissection, et de temps à autre en de longues promenades qui semblaient le mener dans les quartiers les plus sordides de la ville. Rien ne pouvait dépasser son énergie quand une crise de travail le prenait ; mais à l’occasion une forme de léthargie s’emparait de lui et, pendant plusieurs jours de suite, il restait couché sur le canapé du studio, prononçant à peine un mot, bougeant à peine un muscle du matin jusqu’au soir. En ces circonstances j’ai remarqué dans ses yeux une expression si vide, si rêveuse que j’aurais pu le soupçonner de s’adonner à l’usage de quelque narcotique, si la sobriété et la rectitude de toute sa vie n’eussent interdit une telle supposition.

Arthur Conan Doyle - Une étude en rouge 1887 - (Chapitre 2)


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Mars 2007

s:W ou le souvenir d'enfance

W ou le souvenir d'enfance

Je n'ai pas de souvenir d'enfance. Jusqu'à ma douzième année à peu près, mon histoire tient en quelques lignes : j'ai perdu mon père à quatre ans, ma mère à six ; j'ai passé la guerre dans diverses pensions de Villard-de-Lans. En 1945, la sœur de mon père et son mari m'adoptèrent.

Cette absence d'histoire m'a longtemps rassuré : sa sécheresse objective, son évidence apparence, son innocence, me protégeaient, mais de quoi me protégeaient-elles, sinon précisément de mon histoire vécue, de mon histoire réelle, de mon histoire à moi qui, on peut le supposer, n'était ni sèche, ni objective, ni apparemment évidente, ni évidemment innocente.

"Je n'ai pas de souvenirs d'enfance" : je posais cette affirmation avec assurance, avec presque une sorte de défi. L'on n'avait pas à m'interroger sur cette question. Elle n'était pas inscrite à mon programme. J'en étais dispensé : une autre histoire, la Grande, l'Histoire avec sa grande hache, avait déjà répondu à ma place : la guerre, les camps.

Georges Perec (mort il y a 25 ans en mars 1982) - W ou le souvenir d'enfance (éd. Gallimard 1975).

s:Le Cor

Le Cor

J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.
Que de fois, seul, dans l'ombre à minuit demeuré,
J'ai souri de l'entendre, et plus souvent pleuré !
Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort des Paladins antiques.(…)
Ames des Chevaliers, revenez-vous encor?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ?
Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée
L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée ! (…)
Dieu ! que le son du Cor est triste au fond des bois !

Alfred de Vigny (1797-1863) – Le Cor (Poèmes antiques et modernes) [3]

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s:Le Printemps

Le Printemps

(…)Fais donc, Seigneur, que nos provinces,
Nos temples, nos feux et nos princes,
Se couplent d'un lien si doux
Que la paix demeure entre nous ;
Que les querelles domestiques
La vengeance ni la rancœur,
Ou quelque autre importun malheur
N'offense plus nos Républiques,
Afin que nous puissions, heureux,
Sans guerre, sans peur, sans envie,
Tirer le fil de notre vie
Hors de ces troubles orageux,
Et, qu'en cette saison nouvelle,
Nous voyions la gente hirondelle,
La terre et le ciel et les ans
Nous ramener un beau printemps.

Rémy Belleau (1528 – 1577) [4]

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s:Madame Bovary

Madame Bovary

Au fond de son âme, cependant, elle attendait un événement. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l'horizon. Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusqu'à elle, vers quel rivage il la mènerait, s'il était chaloupe ou vaisseau à trois ponts, chargé d'angoisses ou plein de félicités jusqu'aux sabords. Mais, chaque matin, à son réveil, elle l'espérait pour la journée, et elle écoutait tous les bruits, se levait en sursaut, s'étonnait qu'il ne vînt pas; puis, au coucher du soleil, toujours plus triste, désirait être au lendemain.

Le printemps reparut. Elle eut des étouffements aux premières chaleurs, quand les poiriers fleurirent.

Dès le commencement de juillet, elle compta sur ses doigts combien de semaines lui restaient pour arriver au mois d'octobre, pensant que le marquis d'Andervilliers, peut-être, donnerait encore un bal à la Vaubyessard. Mais tout septembre s'écoula sans lettres ni visites.

Après l'ennui de cette déception, son coeur de nouveau resta vide, et alors la série des mêmes journées recommença.

Gustave FlaubertMadame Bovary ( I; 9) (1857)

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s:Tu chercheras mon visage

Tu chercheras mon visage

Mais le plus étrange avec les drippings de Zack (= Jackson Pollock), c'est que, en dépit de la violence des détails, des éclaboussures, des mélanges pâteux, l'ensemble dégage une impression de calme.(...) Oui, il y avait une véritable paix, un équilibre, une quiétude dans ses toiles, dans lesquels je ne peux voir que le reflet de son humeur quand il était là-bas, dans le froid de la grange, loin de moi, loin des experts de la critique, loin de ces rosses de femmes pleines aux as et de ces étrangers méfiants qui dirigeaient les galeries, délivré même de son besoin de boire : il était en paix, superposant ses motifs les uns sur les autres, jusqu'à ce qu'il doive s'arrêter et attendre que la peinture sèche. Et puis il y a une telle innocence dans cet homme en train de danser et de s'agenouiller autour de la toile par terre, une telle capacité enfantine à s'absorber dans l'action pure, que j'ai envie de le serrer dans mes bras et de lui demander pardon de l'avoir amené sur un terrain où il pouvait terrasser la beauté et d'être restée incapable de lui montrer comment retirer un bonheur durable d'une telle expérience.

John UpdikeTu chercheras mon visage (éd. du Seuil, 2006) (p.111)

s:L'Appel de Cthulhu

L'Appel de Cthulhu

Cthulhu lui aussi vit encore, je suppose, dans ce gouffre de pierre qui l'abrite depuis le temps où le soleil était jeune. Sa cité maudite est engloutie, une fois de plus le Vigilant est passé sur les lieux mêmes, après la tempête d'avril. Mais ses ministres sur terre continuent à mugir, à caracoler et à tuer dans les lieux solitaires, autour des monolithes couronnés de son image. Il a dû être piégé par le naufrage alors qu'il se trouvait dans sa noire citadelle, sinon, à l'heure qu'il est, le monde entier hurlerait de terreur. Qui peut prévoir la fin? Ce qui a surgi peut disparaître, et ce qui a sombré peut surgir à nouveau. L'abjection attend son heure en rêvant au fond de la mer, et la mort plane sur les cités chancelantes des hommes. Un jour viendra - mais non, je ne dois ni ne puis y penser! Si je ne survis pas à ce manuscrit, fasse le Ciel que mes exécuteurs testamentaires, préférant la prudence à l'audace, s'assurent qu'il ne tombera pas sous d'autres yeux..."

H.P. Lovecraft (1890-1937) - L'Appel de Cthulhu (dernier §) (éd. Pocket) [5]

Février 2007

s:Thérèse Raquin

Thérèse Raquin

Vers midi, en été, lorsque le soleil brûlait les places et les rues de rayons fauves, on distinguait, derrière les bonnets de l’autre vitrine, un profil pâle et grave de jeune femme. Ce profil sortait vaguement des ténèbres qui régnaient dans la boutique. Au front bas et sec s’attachait un nez long, étroit, effilé ; les lèvres étaient deux minces traits d’un rose pâle, et le menton, court et nerveux, tenait au cou par une ligne souple et grasse. On ne voyait pas le corps, qui se perdait dans l’ombre ; le profil seul apparaissait, d’une blancheur mate, troué d’un œil noir largement ouvert, et comme écrasé sous une épaisse chevelure sombre. Il était là, pendant des heures, immobile et paisible, entre deux bonnets sur lesquels les tringles humides avaient laissé des bandes de rouille.

Emile Zola - Thérèse Raquin (1867) ch. I

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s:Fermina Màrquez

Fermina Màrquez

Désormais, Joanny aurait trois heures éblouissantes dans sa journée, si éblouissantes qu'elles éclaireraient toutes les autres heures d'une clarté nouvelle. C’était de une heure à deux heures et de quatre heures à six heures de l’après-midi.

Jamais ses réveils n’avaient été plus joyeux. Comme l’été s’avançait, l’aube paraissait une heure au moins avant que le tambour donnât le Signal du lever. Eveillé avant tout le monde, Joanny regardait le jour grandir ; encore engourdi, les idées confuses, il sentait du bonheur au fond de lui, quelque part en lui, il ne savait pas au juste où ; puis il se demandait pourquoi la vie était si belle, et sa conscience, en se réveillant tout à fait, lui disait : « Fermina Màrquez ».

Valéry Larbaud (1881-1957) – Fermina Màrquez (éd. Fasquelle, 1911) (ch. XI)

s:Sonnet d'Uranie

Sonnet d'Uranie

Il faut finir mes jours en l'amour d'Uranie !
L'absence ni le temps ne m'en sauraient guérir,
Et je ne vois plus rien qui me pût secourir,
Ni qui sût rappeler ma liberté bannie.

Dès longtemps je connais sa rigueur infinie !
Mais, pensant aux beautés pour qui je dois périr,
Je bénis mon martyre et, content de mourir,
Je n'ose murmurer contre sa tyrannie.


Quelquefois ma raison, par de faibles discours,
M'incite à la révolte et me promet secours.
Mais lors qu'à mon besoin je me veux servir d'elle ,


Après beaucoup de peine, et d'efforts impuissants,
Elle dit qu'Uranie est seule aimable et belle,
Et m'y rengage plus que ne font tous mes sens.

Vincent Voiture (1597-1648) - Sonnet d'Uranie


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s:Ouest

Ouest

Les Lambert ne comptent plus sur rien, ni sur vivant, ni sur cadavre, ils se contentent d'aérer jour après jour, par habitude, par conscience, le château vide. Ils n'ont qu’un perdreau de l’année à se mettre dans le bec, le 5 juillet, un perdreau pour trois, piégé par la petite Magdeleine, la fierté de son père encore ce coup-là. Ils en sont à compter les petits os dans leur assiette, à les ranger sur le rebord, bien soigneux, pour faire durer la mangerie et se donner à croire qu'ils ont le ventre bien calé.

Le demi-gloria fait oublier le reste, les chiens se mettent à gueuler tout ce qu'ils savent, ce n'est tout de même pas un sanglier qui viendrait les narguer jusqu'ici ? Lambert jette un œil au fusil, dans le coin de la cheminée, il se lève, il tire la porte : un fiacre gris de poussière arrêté à mi-chemin du pavillon et du château ; le cocher, une barbe sale, un cuir des plus râpé sur le dos l'appelle, la voix enrouée d'avoir crié sur ses bêtes. Vient-il leur annoncer la mort de monsieur ?

François VallejoOuest, page 53 - (éd. Viviane Hamy, 2006)

s:La grève des électeurs

La grève des électeurs

Surtout, souviens-toi que l’homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu’en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu’il ne te donnera pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pouvoir de te donner. L’homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t’imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd’hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c’est à dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n’as rien à y perdre, je t’en réponds ; et cela pourra t’amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermé aux quémandeurs d’aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe. (…) Je te l’ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève. Octave Mirbeau "La grève des électeurs", Le Figaro du 28 novembre 1888 [6]

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s:Évangéline

Évangéline

C'est l'antique forêt… Quand l'étoile s'allume,

Dans les veillées d'hiver, près de l'âtre où l'on fume,

Les paysans dévots parlent, les yeux en pleurs,

De leur Évangéline et de ses longs malheurs…

On entend au dehors des clameurs. C'est, tout proche,

L'océan qui gémit dans ses antres de roche,

Et la forêt répond par de profonds sanglots,

Au long gémissement qui monte de ses flots.


Évangéline - Un conte d'Acadie (1847) Henry Wadsworth Longfellow, (trad. fr. de Pamphile LeMay)

[7]


Janvier 2007

s:Femmes soyez soumises

« Quoi ! Parce qu'un homme a le menton couvert d'un vilain poil rude, qu'il est obligé de tondre de fort près, et que mon menton est né rasé, il faudra que je lui obéisse très humblement ? Je sais bien qu'en général les hommes ont les muscles plus forts que les nôtres, et qu'ils peuvent donner un coup de poing mieux appliqué : j'ai peur que ce ne soit là l'origine de leur supériorité.

Ils prétendent avoir aussi la tête mieux organisée, et, en conséquence, ils se vantent d'être plus capables de gouverner ; mais je leur montrerai des reines qui valent bien des rois. On me parlait ces jours passés d'une princesse allemande qui se lève à cinq heures du matin pour travailler à rendre ses sujets heureux, qui dirige toutes les affaires, répond à toutes les lettres, encourage tous les arts, et qui répand autant de bienfaits qu'elle a de lumières. Son courage égale ses connaissances ; aussi n'a-t-elle pas été élevée dans un couvent par des imbéciles qui nous apprennent ce qu'il faut ignorer, et qui nous laissent ignorer ce qu'il faut apprendre. Pour moi, si j'avais un État à gouverner, je me sens capable d'oser suivre ce modèle. »


Voltaire (1694-1778) - Femmes, soyez soumises à vos maris (1768)

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s:Patriotisme économique

Le Chat noir, cabaret dont Allais est un habitué
(Lettre à Paul Déroulède) «[...] Vous devez bien comprendre, mon cher Paul, qu’avec le caractère ci-dessus décrit, j’ai la plus vive impatience de voir Français et Allemands se ruer, s’étriper, s’égueuler comme il sied à la dignité nationale de deux grands peuples voisins.

Il n’y a qu’une chose qui m’embête dans la guerre, c’est sa cherté vraiment incroyable. On n’a pas idée des milliards dépensés depuis vingt-cinq ans, à nourrir, à armer, à équiper les militaires, à construire des casernes, à blinder des forts, à brûler des poudres avec ou sans fumée. Tenez, moi qui vous parle, j’ai vu dernièrement, à Toulon, un canon de marine dont chaque coup représente la modique somme de 1,800 fr. (dix-huit cents francs). Il faut que le peuple français soit un miché bougrement sérieux pour se payer de pareils coups. Vous l’avouerai-je, mon cher Paul, ces dépenses me déchirent le cœur ! Pauvre France, j’aimerais tant la voir riche et victorieuse à la fois ! Et l’idée m’est venue d’utiliser la science moderne pour faire la guerre dans des conditions plus économiques. Pourquoi employer la poudre sans fumée, qui coûte un prix fou, quand on a le microbe pour rien ? Intelligent comme je vous sais, vous avez déjà compris. [...]»

Alphonse Allais, Deux et deux font cinq, « Patriotisme économique » (1895)

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s:Neige

À la vérité, à cette heure-ci tout Kars avait compris qu'il s'agissait d'une insurrection ou qu'en tout cas des choses bizarres se passaient dans la ville sillonnée par deux tanks lourds et obscurs comme des fantômes, mais comme cela s'était déroulé à la fois dans une pièce montrée à la télévision et dehors sous une neige absolument ininterrompue comme dans les contes d'autrefois, il n'y avait pas de sentiment de peur. Seuls ceux qui se mêlaient de politique se faisaient un peu de souci.

Orhan Pamuk (Prix Nobel 2006) - Neige, éditions Gallimard 2005 (p.196)

s:Cordillère

Cordillère « Chair pétrifiée de l’Amérique,

hallali de pierre éboulée,

rêve de pierre, notre rêve,

pierres du monde avec leurs pâtres ;

pierres qui se dressent d’un coup

afin de s’unir à leurs âmes !

Dans la vallée close d’Elqui,

par pleine lune de fantôme,

nous doutons : sommes-nous des hommes

ou bien des rochers en extase !

Les temps reviennent, fleuve sourd,

et on les entend aborder

du Cuzco la meseta, marches

grimpant à l’autel de la grâce.

Sous la terre tu as sifflé

pour le peuple à la peau ambrée;

ton message, nous le dénouons

enveloppé de salamandre;

et dans tes brèches, par bouffées,

nous recueillons notre destin.  »

Gabriela Mistral (1889-1957) - Prix Nobel 1945, « Cordillera », éditions Orphée/La Différence, 1989. Traduit de l’espagnol (Chili) par Claude Couffon. [8]

s:Paul et Virginie

La mer, soulevée par le vent, grossissait à chaque instant, et tout le canal compris entre cette île et l'île d'Ambre n'était qu'une vaste nappe d'écumes blanches, creusée de vagues noires et profondes. Ces écumes s'amassaient dans le fond des anses à plus de six pieds de hauteur, et le vent, qui en balayait la surface, les portait par-dessus l'escarpement du rivage à plus d'une demi lieue dans les terres. A leurs flocons blancs et innombrables qui étaient chassés horizontalement jusqu'au pied des montagnes, on eût dit d'une neige qui sortait de la mer. L'horizon offrait tous les signes d'une longue tempête ; la mer y paraissait confondue avec le ciel. Il s'en détachait sans cesse des nuages d'une forme horrible, qui traversaient le zénith avec la vitesse des oiseaux, tandis que d'autres y paraissaient immobiles comme de grands rochers. On n'apercevait aucune partie azurée du firmament ; une lueur olivâtre et blafarde éclairait seule tous les objets de la terre, de la mer et des cieux.

Bernardin de Saint-Pierre (1737-1814), Paul et Virginie, 1788


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s:La Fille du capitaine

« Je vous informe par la présente que le fuyard et schismatique Cosaque du Don Iéméliane Pougatcheff, après s’être rendu coupable de l’impardonnable insolence d’usurper le nom du défunt empereur Pierre III, a réuni une troupe de brigands, suscité des troubles dans les villages du Iaïk, et pris et même détruit plusieurs forteresses, en commettant partout des brigandages et des assassinats. En conséquence, dès la réception de la présente, vous aurez, monsieur le capitaine, à aviser aux mesures qu’il faut prendre pour repousser le susdit scélérat et usurpateur, et, s’il est possible, pour l’exterminer entièrement dans le cas où il tournerait ses armes contre la forteresse confiée à vos soins. » Alexandre Pouchkine, La Fille du capitaine, Chapitre VI, 1836

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Décembre 2006

s:L'inconnue

Peu d'instants lui avaient suffi pour s'accoutumer au resplendissement de la salle. Mais, aux premières notes de la Malibran, son âme avait tressailli; la salle avait disparu. L'habitude du silence de bois, du vent rauque des écueils, du bruit de l'eau sur les pierres des torrents et des graves tombées du crépuscule, avait élevé en poète ce fier jeune homme, et, dans le timbre de la voix qu'il entendait, il lui semblait que l'âme de ces choses lui envoyait la prière lointaine de revenir.

Au moment où, transporté d'enthousiasme, il applaudissait l'artiste inspirée, ses mains demeurèrent en suspens; il resta immobile.

Au balcon d'une loge venait d'apparaître une jeune femme d'une grande beauté...

Auguste de Villiers de L'Isle-Adam (1838-1889) - Contes cruels (1883)/ L'inconnue.


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s:Pensées sur la comète

C'est ce qui fait que je ne puis pas comprendre comment un aussi grand Docteur que vous qui, pour avoir seulement prédit au vrai le retour de notre Comète, devrait être convaincu que ce sont des corps sujets aux lois ordinaires de la nature et non pas des prodiges, qui ne suivent aucune règle, s'est néanmoins laissé entraîner au torrent et s'imagine avec le reste du monde, malgré les raisons du petit nombre choisi, que les Comètes sont comme des Hérauts d'armes qui viennent déclarer la guerre au genre humain de la part de Dieu. Si vous étiez Prédicateur, je vous le pardonnerais. (…) Mais je ne puis goûter qu'un Docteur qui n'a rien à persuader au Peuple et qui ne doit nourrir son esprit que de raison toute pure, ait en ceci des sentiments si mal soutenus et se paye de tradition et de passages des Poètes et des Historiens.

Pierre Bayle (1647-1706) - Pensées sur la comète, 1682.

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s:Conte de Noël

Mais au moins ai-je toujours regardé le jour de Noël, quand il est revenu (mettant de côté le respect dû à son nom sacré et à sa divine origine, si l'on peut les mettre de côté en songeant à Noël), comme un beau jour, un jour de bienveillance, de pardon, de charité, de plaisir, le seul, dans le long calendrier de l'année, où je sache que tous, hommes et femmes, semblent, par un consentement unanime, ouvrir librement les secrets de leurs coeurs et voir dans les gens au-dessous d'eux de vrais compagnons de voyage sur le chemin du tombeau, et non pas une autre race de créatures marchant vers un autre but. C'est pourquoi, mon oncle, quoiqu'il n'ait jamais mis dans ma poche la moindre pièce d'or ou d'argent, je crois que Noël m'a fait vraiment du bien et qu'il m'en fera encore ; aussi je répète « Vive Noël ! »

Charles Dickens, Conte de Noël (1843)

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s:Birago Diop

Souffles

Écoute plus souvent

Les Choses que les Êtres

La Voix du Feu s’entend,

Entends la Voix de l’Eau.

Écoute dans le Vent

Le Buisson en sanglots :

C’est le Souffle des ancêtres.


Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :

Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire

Et dans l’ombre qui s’épaissit.

Les Morts ne sont pas sous la Terre :

Ils sont dans l’Arbre qui frémit,

Ils sont dans le Bois qui gémit,

Ils sont dans l’Eau qui coule,

Ils sont dans l’Eau qui dort,

Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :

Les Morts ne sont pas morts.


Birago Diop (1906-1989), Leurres et lueurs (1960) - (éditions Présence Africaine) [9]

Novembre 2006

Jonathan Littell

Certes je ne participais pas aux exécutions, je ne commandais pas des pelotons ; mais cela ne changeait pas grand-chose, car j'y assistais régulièrement. J'aidais à les préparer et ensuite je rédigeais des rapports ; en outre, c'était un peu par hasard que j'avais été affecté au Stab plutôt qu'aux Teilkommandos. Et si l'on m'avait donné un Teilkommando, aurais-je pu, moi aussi, comme Nagel ou Häfner, organiser des rafles, faire creuser des fosses, aligner des condamnés, et crier << Feu ! >> ? Oui, sans doute. Depuis mon enfance, j'étais hanté par la passion de l'absolu et du dépassement des limites ; maintenant, cette passion m'avait mené au bord des fosses communes de l'Ukraine. Ma pensée, je l'avais toujours voulue radicale ; or l'Etat, la Nation avaient aussi choisi le radical et l'absolu ; comment donc, juste à ce moment-là, tourner le dos, dire non, et préférer en fin de compte le confort des lois bourgeoises, l'assurance médiocre du contrat social ? C'était évidemment impossible. Et si la radicalité, c'était la radicalité de 1'abîme, et si l'absolu se révélait être le mauvais absolu, il fallait néanmoins, de cela au moins j'étais intimement persuadé, les suivre jusqu'au bout, les yeux grands ouverts.

Jonathan Littell - Les Bienveillantes (éd. Gallimard, 2006 - p. 95)

s:Émile Verhaeren

  • Sur la bruyère longue infiniment,

Voici le vent cornant Novembre,

Sur la bruyère, infiniment,

Voici le vent

Qui se déchire et se démembre,

En souffles lourds battant les bourgs,

Voici le vent,

Le vent sauvage de Novembre. (…)


Sur la bruyère, infiniment,

Voici le vent hurlant.

Voici le vent cornant Novembre.

Émile Verhaeren (1855-1916) (Recueil : Les villages illusoires - 1895)

Wikisource

André Malraux

A chaque relais, les nouveaux porteurs abandonnaient leur marche rigide pour le geste prudent et affectueux par lequel ils prenaient les brancards et repartaient avec le han ! du travail quotidien, comme s'ils eussent voulu cacher aussitôt ce que leur geste venait de montrer de leur cœur. Obsédés par les pierres du sentier, ne pensant qu'à ne pas secouer les civières, ils avançaient au pas, d'un pas ordonné et ralenti à chaque rampe : et ce rythme accordé à la douleur sur un si long chemin semblait emplir cette gorge immense où criaient là-haut les derniers oiseaux, comme l'eût emplie le battement solennel des tambours d’une marche funèbre. Mais ce n’était pas la mort qui, en ce moment, s’accordait aux montagnes : c'était la volonté des hommes. André Malraux (1901-1976). L'Espoir (éd. Gallimard - 1937 - LP page 473).

Paul Lafargue

Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes, ont sacro-sanctifié le travail. Hommes aveugles et bornés, ils ont voulu être plus sages que leur Dieu ; hommes faibles et méprisables, ils ont voulu réhabiliter ce que leur Dieu avait maudit. Moi, qui ne professe d'être chrétien, économe et moral, j'en appelle de leur jugement à celui de leur Dieu ; des prédications de leur morale religieuse, économique, libre penseuse, aux épouvantables conséquences du travail dans la société capitaliste. Paul Lafargue (1842-1911). Le Droit à la paresse (1880).

Œuvre complète



Octobre 2006

Jack London

Il attendit. Les crocs se refermèrent doucement ; leur pression s'accentua ; le loup puisait dans ses dernières forces pour essayer d'enfoncer ses dents dans la nourriture qu'il attendait depuis si longtemps. Mais l'homme aussi attendait depuis longtemps, et sa main lacérée se referma sur la mâchoire. Lentement, pendant que le loup luttait faiblement et que la main serrait faiblement, l'autre main parvint à se placer pour assurer une prise. Cinq minutes plus tard, le corps de l'homme pesait de tout son poids sur celui du loup. Ses mains n'avaient pas assez de force pour l'étouffer mais son visage était pressé tout contre la gorge de l'animal et sa bouche était pleine de poils, Au bout d'une demi-heure, il sentit que quelque chose de chaud s'écoulait dans sa gorge. Ce n'était pas une sensation agréable. On aurait dit du plomb fondu introduit de force dans son estomac - et c'était sa volonté seule qui l'obligeait à l'avaler. Plus tard l'homme roula sur le dos et s'endormit.

Jack London - La rage de vivre (Love of live) - Presses Pocket, 1988

Richard Jorif

Quelque huit cent mille fidèles, sans compter les sous-diacres et les enfants de Marie, boutonnaient dans la divine avenue, armés de slogans jaculatoires qui vouaient les trublions à la fosse d'aisances, François Mitterrand aux fourches patibulaires, les communistes au chaudron et Daniel Cohn-Bendit à l'expiation crématoire. Levés au premier chant du coq gaulois, ils avaient, faisant la figue aux pompistes, sauté dans les autocars et gagné sans coup férir une Ville abandonnée aux nourrissons de l'anarchie. Jusqu'à l'heure de l'Allocution, contenus à grand-peine dans les contre-allées, le répertoire des chants patriotiques avait nourri leur ferveur. Maintenant, les yeux au Ciel, ils marchaient à la gloire derrière leurs députés extatiques, et un grand frisson les soulevait à la pensée de ce bonheur suprême : Michel Debré allait chanter La Marseillaise.

Richard Jorif - Le Navire Argo - éditions François Bourin, 1987 (p.200)

Guillaume Apollinaire

Les Colchiques

Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément
Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913.


Septembre 2006

Erri De Luca

Je lis des vieux livres parce que les pages tournées de nombreuses fois et marquées par les doigts ont plus de poids pour les yeux, parce que chaque exemplaire d'un livre peut appartenir à plusieurs vies. Les livres devraient rester sans surveillance dans les endroits publics pour se déplacer avec les passants qui les emporteraient un moment avec eux, puis ils devraient mourir comme eux, usés par les malheurs, contaminés, noyés en tombant d'un pont avec les suicidés, fourrés dans un poêle l'hiver, déchirés par les enfants pour en faire des petits bateaux, bref ils devraient mourir n'importe comment sauf d'ennui et de propriété privée, condamnés à vie à l'étagère.

Erri De Luca - Trois Chevaux - éditions Gallimard, 2001 (p.22)

John Fante

Une belle journée, aussi belle qu'une fille. Il roula sur le dos et regarda les nuages filer vers le Sud. Tout là-haut le vent soufflait en tempête ; il avait entendu dire qu'il venait du fin fond de l'Alaska et de la Russie, mais les hautes montagnes protégeaient la ville. Il pensa aux livres de Rosa, à leurs couvertures de toile cirée aussi bleue que le ciel ce matin. Une journée paisible, deux chiens en balade, s'arrêtant brièvement au pied de chaque arbre. Il colla son oreille contre le sol. Là-bas, au nord de la ville, dans le cimetière des hautes terres, on descendait Rosa dans sa tombe. Il souffla doucement sur le sol, l'embrassa, mit un peu de terre sur le bout de sa langue. Un jour, il demanderait à son père de tailler une stèle pour la tombe de Rosa.


John Fante - Bandini - Christian Bourgois éditeur, 1985 (p.242)

Maurice Genevoix

C'est ma mère qui m'a rallié, consolé : peu à peu, par mes rêves éveillés et mes songes de la nuit. C'est elle qui peu à peu, patiemment, tendrement, m'a délivré du désespoir et de la sécheresse du cœur ; qui m'a guidé vers une paix sans oubli, consentement à. un monde où la mort ne peut rien contre ceux qui se sont aimés. Je le sais, je l'accepte : elle s'est d'elle-même, au long des jours, insensiblement éloignée. Mais je sais bien aussi qu'aujourd'hui comme autrefois, j'entends son pas à mon premier appel. Pas un événement de ma vie dont j'ai été ému ou bouleversé, les grandes joies, les déchirements, ceux qui m'ont exalté ou déçu, les projets, l'œuvre en cours, les amours neuves, les naissances, les nouveaux deuils, pas un auquel elle n'ait été présente, secourable ou heureuse avec moi. Elle sera là, plus proche que jamais, lorsqu'à mon tour je fermerai les yeux. Elle entendra mon dernier merci. (La mère de l'auteur est morte quand il avait douze ans).

Maurice Genevoix - Trente mille jours - éditions du Seuil, 1980 (p.131)


Août 2006

Bertolt Brecht

Mon jeune fils m'a dit : Dois-je apprendre les mathématiques ?

J'ai pensé répondre : A quoi bon ! Deux morceaux de pain

Sont plus qu'un seul, tu t'en apercevras sans étude.

Mon jeune fils m'a dit : Dois-je apprendre le français?

J'ai pensé répondre : A quoi bon ! Ce pays, la France,

Est près de succomber. Tu n'as qu'à frotter ton ventre

Avec ta main et puis gémir, on te comprendra.

Mon jeune fils m'a dit : L'histoire, dois-je l'apprendre ?

J'ai pensé répondre : A quoi bon! Apprends à rentrer

Ta tête sous terre et peut-être survivras-tu.


Oui, apprends les mathématiques, ai-je

Dit, apprends le français, apprends l'histoire !

Bertolt Brecht, poème VI, 1940. (poète, metteur en scène et dramaturge allemand)

Federico García Lorca

Cordoue

lointaine et seule.


cheval noir, immense lune

olives dans mon sac

bien que je connaisse cette route

à Cordoue jamais n’arriverai.


A travers les plaines, à travers vent

cheval noir, lune rouge

la mort m’observe

du haut des hautes tours de Cordoue.


Ay ! quelle longue route.

Ay ! quel cheval courageux.

Ay ! Mort tu veux me prendre

sur la route de Cordoue.


Cordoue

lointaine et seule

Federico García Lorca (poète espagnol assassiné par les franquistes le 19 août 1936 à Grenade)- "Chant du cavalier"
(traduction personnelle Vicente Pradal - source : http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/garcialorca.html )

Antonio Machado

On le vit marchant entre des fusils

Par une longue rue

Qui donnait sur la campagne froide

de l'aube, encore sous les étoiles.

Ils tuèrent Federico

Alors que pointait la lumière.

Le peloton de bourreaux

N'osa pas le regarder au visage.

Tous fermèrent les yeux ;

Ils prièrent...Dieu lui-même ne le sauverait pas...

-

Federico tomba mort

- du sang sur le front, du plomb dans les entrailles -

... C'est à Grenade que le crime eut lieu,

Vous savez - pauvre Grenade ! - dans sa Grenade !

[...]

On les vit s'éloigner...

Taillez, amis,

Dans la pierre et le rêve, à l'Alhambra,

Une tombe au poète,

Sur une fontaine, où l'eau pleure,

et, éternellement dise :

Le crime eut lieu à Grenade ... dans sa Grenade !

Hommage d'Antonio Machado à Lorca :
(Traduit par G. Pillement)


Juillet 2006

Francis Walder

Mes souvenirs les plus vivaces de 1570, demeurent liés à cette royale résidence, si belle, si riante dans sa pierre grise et ses briques roses dont le roi François Ier ramena le goût d'Italie. Du fond du parc je revois sa façade aux balustres gracieux, et l'angle unique, très ingénieux, qui en prolonge la perspective en lui donnant un style. Les bords de la haute vallée, par là, dominent la Seine, et la forêt de Laye pousse contre le château ses obscures avancées. Eté de 1570, vous étiez beau de ciel et de lumière lorsque je discutais derrière ces balustres, lorsque je marchais et devisais dans ce site avec les personnages dont je vais parler maintenant. Les courses que j'y ai faites par la suite n'ont plus marqué de la même façon, de sorte qu'en ma mémoire la façade du château n'existe que baignée de soleil, la forêt ne détache le feuillage de ses hauts charmes que sur un ciel bleu et chaud. J'ignore, j'ignorerai toujours le Saint-Germain d'automne et d'hiver.
Francis Walder (1906-1997) - Saint-Germain ou la négociation, (Prix Goncourt) - Gallimard 1958.

George Bernard Shaw

Il y a des fous partout, même dans les asiles.

Le seul sport que j'aie jamais pratiqué, c'est la marche à pied, quand je suivais les enterrements de mes amis sportifs.

On compare souvent le mariage à une loterie. C'est une erreur, car à la loterie, on peut parfois gagner.

La démocratie est une technique qui nous garantit de ne pas être mieux gouvernés que nous le méritons.

L'homme est le seul animal qui rougisse; c'est d'ailleurs le seul animal qui ait à rougir de quelque chose.

L'assassinat sur l'échafaud est la forme la plus exécrable d'assassinat, parce qu'il est investi de l'approbation de la société.

George Bernard Shaw, (juillet 1856 - 1950), Citations.


Juin 2006

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Pierre Corneille

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Tristan Bernard

Wikipédia:Lumière sur/Tristan Bernard

Anniversaire de la naissance de Pierre Corneille le 6 juin 1606


AUGUSTE (pardonnant à Cinna)

Je suis maître de moi comme de l'univers ;

Je le suis, je veux l'être. Ô siècles , ô mémoire !

Conservez à jamais ma dernière victoire !

Je triomphe aujourd'hui du plus juste courroux

De qui le souvenir puisse aller jusqu'à vous.

Soyons amis, Cinna, c'est moi qui t'en convie :

Comme à mon ennemi je t'ai donné la vie,

Et, malgré la fureur de ton lâche destin,

Je te la donne encor comme à mon assassin.

Commençons un combat qui montre par l'issue

Qui l'aura mieux de nous ou donnée ou reçue.

Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler ;

Je t'en avais comblé, je t'en veux accabler .

Pierre Corneille - Cinna (1641) - Acte V, scène 3 (v.1696-1708)


Marquise, si mon visage

A quelques traits un peu vieux,

Souvenez-vous qu'à mon âge

Vous ne vaudrez guère mieux.


Le temps aux plus belles choses

Se plaît à faire un affront,

Et saura fâner vos roses

Comme il a ridé mon front.


Le même cours des planètes

Règle nos jours et nos nuits:

On m'a vu ce que vous êtes

Vous serez ce que je suis.

Pierre Corneille, Stances, 1660


La malicieuse réponse imaginée par Tristan Bernard :

Peut-être que je serai vieille,

Répond Marquise, cependant

J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,

Et je t'emmerde en attendant.


Avril 2006

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Paul Verlaine

Wikipédia:Lumière sur/Paul Verlaine
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Samuel Beckett

Wikipédia:Lumière sur/Samuel Beckett

Heinrich Heine

Heinrich Heine Portrait par Moritz Daniel Oppenheim (1831).

Christian Johann Heinrich Heine (né le 13 décembre 1797 à Düsseldorf sous le nom de Harry Heine et mort le 17 février 1856 à Paris) est un des plus importants poètes et journalistes allemands du XIXe siècle.

Heine naquit dans une famille juive assimilée de Düsseldorf, en Allemagne (Le judaïsme, cette maladie de famille des juifs allemands). Son père, un commerçant, avait prospéré durant l’occupation française. Après de retentissants échecs dans le monde des affaires, Heine se tourna vers des études de droit à Göttingen, Bonn et Berlin, mais bien qu’ayant obtenu un diplôme en 1825, il se dirigeait déjà vers la littérature.

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Jean Moréas

Wikipédia:Lumière sur/Jean Moréas
  • Verlaine

Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?
0 bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s'ennuie
0 le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ? ...
Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine!

Paul Verlaine, Romances sans paroles


(Il écoute la bande ancienne) : "J'ai dit encore que ça me semblait sans espoir et pas la peine de continuer. Et elle a fait oui sans ouvrir les yeux. (Pause) Je lui ai demandé de me regarder et après quelques instants - (pause) - et après quelques instants, elle l'a fait, mais les yeux comme des fentes à cause du soleil. Je me suis penché sur elle pour qu'ils soient dans l'ombre et ils se sont ouverts. (Pause) M'ont laissé entrer. (Pause) Nous dérivions parmi les roseaux et la barque s'est coincée. Comme elle se pliait avec un soupir devant la proue, je me suis coulé sur elle, mon visage dans son sein et ma main sur elle. Nous restions là couchés. Sans remuer. Mais sous nous, tout remuait, et nous remuait, doucement, du haut en bas, et d'un côté à l'autre."

- Passé minuit. Jamais entendu pareil silence. La terre pourrait être inhabitée. (FIN)

Samuel Beckett, La Dernière Bande © Editions de Minuit, Paris, 1960 (droit de citation)

Heinrich Heine (1797, Düsseldorf - 17 février 1856, Paris). L'Allemagne commémore en 2006 le cent cinquantième anniversaire de la mort d'un de ses plus célèbres poètes.

I

Au splendide mois de mai, alors que tous les bourgeons rompaient l'écorce, l'amour s'épanouit dans mon cœur.

Au splendide mois de mai, alors que tous les oiseaux commençaient à chanter, j'ai confessé à ma toute belle mes vœux et mes tendres désirs.

II

De mes larmes naît une multitude de fleurs brillantes, et mes soupirs deviennent un chœur de rossignols.

Et si tu veux m'aimer, petite, toutes ces fleurs sont à toi, et devant ta fenêtre retentira le chant des rossignols.

Heinrich Heine, "Intermezzo" - 1823 (extrait - traduction en prose de Gérard de Nerval.)


  • "L'investiture"


Nous longerons la grille du parc,

A l'heure où la Grande Ourse décline ;

Et tu porteras - car je le veux -

Parmi les bandeaux de tes cheveux

La fleur nommée asphodèle.


Tes yeux regarderont mes yeux ;

A l'heure où la grande Ourse décline. -

Et mes yeux auront la couleur

De la fleur nommée asphodèle.


Tes yeux regarderont mes yeux,

Et vacillera tout ton être,

Comme le mythique rocher

Vacillait, dit-on, au toucher

De la fleur nommée asphodèle.


Jean Moréas (poète symboliste, né le 15 avril 1856, mort en 1910)

(Recueil : "Le pèlerin passionné" 1891)


Mars 2006

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Philippe Besson

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Marguerite Duras

Wikipédia:Lumière sur/Marguerite Duras

"Je suis né au milieu de l'automne, un jour de brume, un jour comme un autre, en somme. La brume, elle est là presque tout le temps. Elle recouvre tout, elle nous accompagne, elle sera là jusqu'à notre mort. Elle est notre unique certitude. Ce voile sur nos visages. Ce gris dans nos regards. Ces gouttes qui perlent sur l'avant de nos bras."

Philippe Besson - Un instant d'abandon (page18) - © Editions Julliard, Paris, 2005 (droit de citation)


Anniversaire Marguerite Duras (décédée il y a dix ans, le 3 mars 1996)

"C'est quand elle avait atteint l'auto qu'il avait crié.

C'était un cri sombre, long, d'impuissance, de colère et de dégoût comme s'il était vomi. C'était un cri parlé de la Chine ancienne. Et puis tout à coup ce cri avait maigri, il était devenu la plainte discrète d'un amant, d'une femme. C'est à la fin, quand il n'a plus été que douceur et oubli, que l'étrangeté est revenue dans ce cri, terrible, obscène, impudique, illisible, comme la folie, la mort, la passion.

L'enfant n'avait plus rien reconnu. Aucun mot. Ni la voix. C'était un hurlement à la mort, de qui, de quoi, de quel animal, on ne savait pas bien, d'un chien, oui, peut-être, et en même temps d'un homme. Les deux confondus dans la douleur d'amour."

Marguerite Duras - L'amant de la Chine du nord - © Editions Gallimard, Paris, 1991 (droit de citation)


Février 2006

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Charles Baudelaire

Wikipédia:Lumière sur/Charles Baudelaire
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Beaumarchais

Wikipédia:Lumière sur/Beaumarchais

Lecteur, as-tu quelquefois respiré

Avec ivresse et lente gourmandise

Ce grain d'encens qui remplit une église,

Ou d'un sachet le musc invétéré ?

Charme profond, magique, dont nous grise

Dans le présent le passé restauré !

Ainsi l'amant sur un corps adoré

Du souvenir cueille la fleur exquise.

De ses cheveux élastiques et lourds,

Vivant sachet, encensoir de l'alcôve,

Une senteur montait, sauvage et fauve,

Et des habits, mousseline ou velours,

Tout imprégnés de sa jeunesse pure,

Se dégageait un parfum de fourrure.

Charles Baudelaire, « Le Parfum » (extrait) Les Fleurs du Mal, 1857.


[...] Je broche une comédie dans les moeurs du sérail. Auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l'instant un envoyé... de je ne sais où se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l'Egypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger et de Maroc : et voilà ma comédie flambée pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant : chiens de chrétiens.[...]. Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue ; et comme il faut dîner, quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume et demande à chacun de quoi il est question : on me dit que, pendant ma retraite économique, il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et, croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile.

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, Acte V, scène 3, 1784.


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