Kosovo
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Administration | |
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Statut politique | Province autonome de Serbie sous administration des Nations unies |
Capitale | Priština ou Prishtina
Chef de la MINUK Joachim Rücker |
Géographie | |
Superficie | 10 877 km² |
Démographie | |
Population (2003) | 1 954 745 hab. |
Densité | 180 hab./km² |
Langues | serbe, albanais |
Économie | |
Monnaie | euro / dinar serbe 1 |
Autres informations | |
Fuseau horaire | UTC +1 2
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1. Après que le mark allemand et le dinar serbe aient été institués monnaies officielles, l’euro a remplacé le mark. Actuellement le dinar serbe est utilisé exclusivement dans les régions à majorité serbe. 2. UTC+2 à l'heure d'été. |
Le Kosovo (ou, forme moins courante, Kossovo) (en serbe Kосово и Метохија ou Kosovo i Metohija (Kosovo-et-Métochie)[1]; en albanais Kosovë, forme définie Kosova) est une province autonome du sud-ouest de la Serbie. Placé sous administration intérimaire des Nations unies depuis 1999, le Kosovo devrait obtenir un statut définitif en 2007.
[modifier] Statut actuel
En vertu de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies du 10 juin 1999, le Kosovo est sous administration de l'ONU (MINUK, UNMIK en anglais). Depuis les accords de Kumanovo, datés du même jour, une force de l'OTAN, la KFOR (forte de 17 000 hommes aujourd'hui), assure sa protection.
Les Albanais (environ 88 % de la population) aspirent à l'indépendance du Kosovo ; les Serbes (environ 8 % de la population), pour leur part, espèrent conserver l'appartenance du Kosovo à la République de Serbie, nominalement affirmée par la Constitution yougoslave de 1974, et proclamée par la Constitution serbe d'octobre 2007. En droit international, la résolution 1244, tout en affirmant le caractère provisoire de ce statut, reconnaît son appartenance à la « République fédérale de Yougoslavie », l'union de la Serbie et du Monténégro, instituée par Slobodan Milošević en avril 1992, et remplacée en février 2003 par la Serbie-et-Monténégro à la suite de l'accord de Belgrade. Une mission dirigée par le Finlandais Martti Ahtisaari a débuté en décembre 2005 pour aboutir à un nouveau statut. Les propostions de Marti Ahtisaari concernant le statut final du Kosovo, rejetées d'emblée par le gouvernement serbe, ont été soumises au Conseil de sécurité des Nations unies le 26 janvier 2007.
[modifier] Géographie et population
Le Kosovo, d'une superficie de 10 877 km², est une région essentiellement montagneuse, avec toutefois deux plaines, celle du Kosovo proprement dit, et celle du plateau occidental que les Serbes nomment Metohija (la Métochie, mot d'origine grecque désignant les possessions territoriales d'un monastère) et que les Albanais appellent Dukagjin. Ce plateau correspond au bassin supérieur du Drin blanc (Beli Drim en serbe, Drini i Bardhë en albanais), qui rejoint le Drin noir (Drini i Zi en albanais) à Kukës, en Albanie, pour se jeter dans la mer Adriatique. Le Kosovo oriental (Kosovo Polje en serbe, Fusha e Kosovës en albanais) correspond au bassin supérieur de la Sitnica, affluent de la Morava occidentale, qui se jette dans le Danube. Les deux bassins sont séparés par la chaîne de collines de la Drenica.
Quelques deux millions de personnes habitent aujourd'hui le Kosovo : 88 % d'Albanais de souche — dont 90 % sont musulmans et 10 % catholiques -, et, depuis les bombardements de l'OTAN en 1999, 8 % de Serbes orthodoxes et 4 % de diverses nationalités : Rroms, Ashkali (Tziganes de langue albanaise), Égyptiens (ethnie dont se réclament une petite frange de la population tzigane, qui serait venue d'Egypte au Moyen Âge), Monténégrins, Turcs (surtout à Prizren), Bosniaques, Gorans (musulmans du mont Šar parlant un dialecte serbe proche du macédonien, qui seraient apparentés aux Torbes de Macédoine et aux Pomaks de Bulgarie). Depuis 1999, plus de 200 000 non Albanais ont fui ou ont été chassés du Kosovo. La majorité se trouve réfugiée en Serbie, essentiellement des Serbes et des Rroms. Environ quarante mille albanophones ayant obtenu la nationalité suisse pendant leur exil se sont reinstallés au Kosovo.[2]
[modifier] Histoire
[modifier] De l'antiquité aux invasions slaves
On ne sait pratiquement rien des populations qui habitaient l'actuel Kosovo avant les invasions indo-européennes. Il s'agissait peut-être de populations apparentées aux Pélasges, les autochtones non indo-européens qui habitaient la péninsule hellénique avant l'arrivée des premiers envahisseurs grecs. Quoi qu'il en soit, durant l'Antiquité, du fait de sa proximité avec la Grèce, on a pu en apprendre plus sur cette région, qui était située dans un territoire appelé Dardanie, habitée par un peuple, les Dardaniens, selon toute vraisemblance apparenté aux Illyriens et aux Thraces. Après la conquête romaine, les Dardaniens sont progressivement romanisés et la ville de Naissus (actuelle Niš), située en Dardanie orientale, devient un carrefour stratégique dans la province romaine de Mésie supérieure. Elle est même la ville natale de l'empereur Constantin le Grand.
La chute de l'Empire romain marque le début de nombreuses invasions barbares dans la péninsule balkanique, qui touchèrent aussi bien la Dardanie que les autres régions des Balkans. Dès le Ve siècle, des tribus slaves déferlent en masse, parvenant à s'implanter jusqu'en Thessalie, et ce dans l'ensemble des Balkans, certaines tribus étant même allées jusque dans le Péloponnèse. En cette même période, les Avars envahissent la contrée et asservissent certaines tribus slaves, notamment en Pannonie. Les tribus slaves forment alors de puissantes alliances, les sklavinies, qui, alliées aux Avars, vont être le fléau de Byzance pendant près de deux siècles. Les anciennes provinces romaines sont dévastées, et la province de Mésie supérieure, dont faisait partie l'actuel Kosovo, n'y échappe pas. Les autochtones romanisés, appelés Valaques par les Slaves, se réfugient dans les montagnes et sur le littoral adriatique. Ils sont progressivement assimilés par les Slaves, sauf dans les régions cotières, où la tradition romaine est très implantée, et dans les régions où les Slaves sont en infériorité numérique, comme l'Albanie, la Grèce ou la Roumanie.
Après la défaite des Avars devant Constantinople, les Slaves en profitent pour se libérer de leur joug, pour très vite être dominés par de nouveaux envahisseurs : les Serbes et les Croates au nord de la péninsule (tribus slaves venues des plaines de l'actuelle Pologne), et les Bulgares à l'est (tribus turco-mongoles des steppes). Les Bulgares soumettent les Slaves de l'ancienne province de Mésie inférieure, de même que les Valaques des anciennes régions de Macédoine et Dardanie.
Peuplé essentiellement de Slaves issus des premières vagues d'invasions, de Valaques, et d'une minorité d'Albanais dans le sud-ouest, ce qui est aujourd'hui le Kosovo va par la suite alterner entre domination bulgare et byzantine pendant près de quatre siècles, avant d'être annexé par les Serbes.
Ce n'est qu'à la fin du XIe siècle que Vukan, le joupan (en serbe, župan) de Rascie, alors l'État serbe le plus puissant des Balkans, agrandit les frontières de son pays vers le sud, en conquérant la majeure parti de l'actuel Kosovo, n'échouant que devant Lipljan, confronté à de forts contingents byzantins. La Rascie, y comprit ses terres méridionales, passe de nouveau sous domination byzantine après le décès de Vukan, en 1115.
[modifier] Le Kosovo dans la Serbie médiévale
À la fin du XIIe siècle, la dynastie serbe des Nemanjić, originaire de Zeta, entreprend de libérer les territoires serbes à partir de leur fief de Rascie. Les Nemanjić parviennent à étendre considérablement la Serbie vers les terres slaves du sud. Ils décident donc de déplacer le centre de gravité du Royaume de Serbie vers le Kosovo, qui se retrouve au centre de l'État serbe médiéval. À cette époque, sous l'impulsion de Saint Sava, l'Église orthodoxe serbe devient autocéphale. Durant le règne du roi Milutin, de nombreux édifices destinés à la vie spirituelle du peuple serbe (églises, monastères) sont édifiés en Rascie, en particulier au Kosovo. Le patriarcat de l'Église orthodoxe serbe, d'abord installé à Žiča, est transféré à Peć en 1346 par l'empereur Stefan Dušan, le plus illustre souverain de Serbie.
À la mort de Dušan, en 1355, la Serbie entre dans une période d'instabilité. Le fils de Dušan, Uroš, est jeune et faible ; il est très vite dominé par des seigneurs plus puissants, qui n'hésitent pas à faire sombrer la Serbie dans la guerre civile afin d'assouvir leurs ambitions. La majeure partie du Kosovo se trouve alors sous la domination du prince serbe Vuk Branković.
C'est alors qu'au milieu du XIVe siècle, profitant des querelles intestines à Byzance, les Ottomans s'installent pour la première fois en Europe, à l'ouest du Bosphore, établissant leur nouvelle capitale à Andrinople et procédant à des implantations de Turcs jusque dans la vallée de la Maritza. Le 26 septembre 1371, un affrontement décisif oppose les Ottomans à l'armée de Jovan Uglješa, seigneur d'un petit fief au sud de la Serbie, et celle de son frère, le roi Vukašin Mrnjavčević, cosouverain de Serbie avec l'empereur Uroš. Ce jour là, bien que supérieure en nombre, l'armée serbe est vaincue par la ruse d'une attaque surprise des forces ottomanes de Lala Sahin-pacha et d'Evrenos-bey, à la bataille de la rivière Maritza, au cours de laquelle Uglješa et Vukašin sont tués. Les Ottomans n'ont alors aucun mal à décimer l'armée serbe, s'ouvrant par la même occasion la porte des Balkans. Immédiatement affectée par la défaite serbe, Byzance est obligée de reconnaître la souveraineté ottomane.
Le dernier prince Nemanjić, Stefan Uroš, meurt de mort naturelle en décembre 1371. Peu de temps après, Djuradj Balšić, descendant d'une lignée serbo-albanaise et prince de Zeta, s'empare de Prizren, tandis que Vuk Branković étend ses possessions territoriales jusqu'à Skoplje. Seul véritable héritier du trône de Serbie, le fils de Vukašin, Marko Mrnjavčević, connu dans la tradition populaire sous le nom de Marko Kraljević, ne possède plus qu'une petite bande de territoire au sud de la Macédoine, ayant Prilep pour centre. À la suite d'une combinaison de manœuvres diplomatiques, d'actions militaires et d'alliances familiales stratégiques, le prince serbe Lazar Hrebeljanović, éduqué à la court de l'empereur Uroš à Prizren, devient le dirigeant serbe le plus puissant, ne reconnaissant qu'une autorité toute relative au ban Tvrtko Ier de Bosnie, qui s'autoproclame roi Stefan des Serbes et de Bosnie, après son couronnement en 1377 selon le rite orthodoxe, au monastère serbe de Miliševa.
À cette époque, associé aux territoires du prince Lazar, le pays de Vuk Brankovič, englobant la majeure partie de l'actuel Kosovo, devient prospère. La mine de Trepča se maintient aisément, tandis que Novo Brdo, située dans le fief Hrebeljanović, devient plus importante que la vieille ville impériale de Prizren. D'anciens marchés se transforment également en villes prospères, tels Priština, Vučitrn ou encore Peć. Prizren, incorporée aux terres des Branković à la suite d'un recul des Balšić, en lutte avec les Ottomans, produit même sa propre monnaie.
[modifier] De la bataille du Kosovo à la conquête ottomane
[modifier] La bataille de Kosovo Polje
Le sultan Mourad, fort de ses nombreuses conquêtes sur les anciens domaines byzantins, décide de lancer une offensive contre les pays balkaniques au printemps 1389, accompagné de ses fils Jakub et Bayezid. De l'autre côté, le prince Lazar Hrebeljanović parvient à réunir une puissante armée, en ralliant ses alliés Vuk Branković, Djuradj II Balšić, Stefan Musić, ainsi que les troupes du voïvode Vlatko Vuković de Hum, dépêchées par le roi de Bosnie Tvrtko Ier, et comprenant divers nobles éminents de Bosnie. À l'armée serbe s'ajoutent diverses formations alliées d'origine albanaise, valaque et bulgare. Les Hongrois, ayant cessé les hostilités avec Lazar Hrebeljanović peu de temps auparavant, ne prennent pas part à la bataille.
L'armée ottomane, en supériorité numérique, utilise des chameaux, liés entre eux par des chaînes, pour briser les formations adverses. Au cours de la bataille, le sultan Mourad Ier est tué, selon les poèmes épiques serbes par le plus puissant guerrier du prince Lazar, Miloš Obilić. Le décès de son chef engendre des remous importants au sein de l'armée ottomane. Bayezid fait alors exécuter son frère Jakub. Finalement vaincue, ce qui reste de l'armée serbe se replie, tandis que Lazar et de nombreux nobles serbes sont faits prisonners et mis à mort. De tous les chefs serbes, seuls Vuk Branković et le voïvode Vlatko Vuković survivent à la bataille.
[modifier] Les mythes serbes de la bataille
La bataille de Kosovo Polje a fait l'objet de nombreux mythes dans la tradition serbe, mythe politico-religieux suivant lequel le prince Lazar, à la veille de la bataille, aurait choisi le Royaume des cieux de préférence au Royaume terrestre, ce qui expliquerait sa mort héroïque et la réputation de sainteté qu'on lui a attribuée ; mythe de la trahison du prince Vuk Branković, qui expliquerait la défaite, mythe que beaucoup d'historiens serbes considèrent aujourd'hui comme issue de la propagande pro-lazarienne de Milica, la femme du prince Lazar, et de son fils Stefan Lazarević, du fait de la rivalité existant entre celui-ci et Vuk Branković ; mythes entourant divers héros, dont certains seraient des personnages fictifs, tels Gojko Mrnjavčević (qui serait le frère de Vukašin et d'Uglješa), Strahinja (qui pourrait être en réalité Djuradj II Balšić, prince serbe de Zeta) ou encore Miloš Obilić (qui, hormis dans les poèmes épiques serbes, n'est mentionné qu'au XVIIe siècle, par l'historien italien Mavro Orbini).
Ces mythes du Kosovo proviennent essentiellement de la période qui suivit la bataille de 1389, ayant probablement pour source l'entourage de Lazar, notamment sa femme Milica et sa cour. Au fil des siècles, ces poèmes ont été préservés par la tradition populaire et par l'Église orthodoxe serbe. Au XIXe siècle, la renaissance nationale du peuple serbe passe par une exaltation autour de l'histoire de la Serbie médiévale, allant de la dynastie des Nemanjić à la bataille du Champ des Merles. Le Kosovo, en tant qu'ancien centre politico-religieux de la Serbie médiévale à son apogée, est alors considéré comme le « berceau de la nation serbe ». Divers poèmes épiques sont retranscrits dans l'œuvre magistrale de Vuk Stefanović Karadžić, principal réformateur de la langue serbe moderne.
Sous le nom de Vidovdan, le jour de la Saint Guy, les Serbes commémorent le 28 juin cette bataille de Kosovo Polje, en raison des 13 jours d'écart entre le calendrier julien réformé, que suit encore l'Église orthodoxe serbe, et le calendrier grégorien. Le 28 juin constitue une date symbolique puisque c'est aussi le jour de l'attentat de Sarajevo, en 1914, du Traité de Versailles en 1919, de la première constitution yougoslave de 1921, de la rupture de Staline avec Tito en 1948, du voyage de François Mitterrand en 1992 à Sarajevo et du transfert de Slobodan Milošević à La Haye en 2001.
[modifier] Le Kosovo sous le despotat de Serbie
L'armée ottomane, ayant subi de lourdes pertes et privée de sultan, se replie précipitamment vers Andrinople (Edirne), sous la volonté de Bayezid, qui souhaite consolider son pouvoir. La Serbie, n'étant plus en mesure de se défendre après sa défaite, est menacée par les Turcs et les Hongrois. Progressivement, les princes serbes acceptent un à un de devenir vassaux du nouveau sultan Bayezid Ier. Vuk Branković, dont le prestige prend de l'ampleur, est obligé de conclure un accord de vassalité avec le sultan à la suite de la prise de Skoplje par les Turcs en 1392, bien qu'il ne cesse de s'opposer à eux. Il finit par être fait prisonnier et meurt en prison le 6 octobre 1397. La majeure partie de ses terres (une portion significative de l'actuel Kosovo), sont alors prises par Stefan Lazarević, allié des Ottomans. La Serbie devient un despotat sous suzeraineté ottomane, dont le chef porte le titre de despote.
Au début du XVe siècle, après avoir aidé les Turcs au cours de plusieurs batailles, Stefan Lazarević n'a plus l'obligation de participer aux campagnes du sultan, occupé par des conflits avec ses propres frères en Asie. Stefan Lazarević a alors l'ambition de restaurer le Royaume serbe, et parvient à chasser des autorités turques locales de certaines régions. Cependant, son frère et rival Vuk finit par s'allier aux Turcs qui, soutenant également les Branković, provoquent un conflit près de Priština, en 1409, qui aboutit à un partage des terres entre les deux frères Lazarević et les Branković. Vuk Lazarević reçoit des terres méridionales de Serbie, comprenant une partie du Kosovo, et reconnaît la suzeraineté du sultan, de même que les Branković, dirigeant également une partie du Kosovo. Stefan Lazarević récupère toutefois les terres de son frère en 1411, après que Vuk Lazarević et Lazar Branković aient été exécutés par le nouveau sultan Musa, fils de Bayezid, en lutte avec son frère Soliman.
Sous le règne du sultan Mourad II, le despotat de Serbie connaît une période d'accalmie. Le renouveau de la société serbe se traduit par un essor économique et artistique conséquent. Les premières décennies du XVe siècle voient l'apparition du style moravien, dont la beauté architecturale et artistique se trouve retranscrite dans les fresques de certains monastères. Novo Brdo devient extrêmement prospère, décrite par certains comme « une ville argentée » et rapportant au despote Stefan Lazarević un revenu de 120 000 à 200 000 ducats par an. La mine de Trepča est toujours en activité, et le despote fait publier, en 1412, un Code des Mines et une Loi de Novo Brdo. La législation minière y est établie, transposée du droit minier apporté par les Saxons.
À la mort de Stefan Lazarević en 1427, lui succède Djuradj Branković. Les Turcs envahissent la Serbie entre 1427 et 1429, et Branković reconnaît l'autorité suprême du sultan. Restauré, le despotat serbe sombre de nouveau en 1438, puis, vaincus par les Croisés en 1444, les Ottomans sont contraints de restaurer le despotat serbe à Djuradj Branković.
[modifier] La conquête du Kosovo par les Turcs
En septembre 1448, une armée de Croisés et de mercenaires venus de Hongrie, de Pologne, de Valachie, de Bohême et d'Allemagne, commandée par le chevalier hongrois Jean Hunyadi (János Hunyadi en hongrois, Iancu de Hunedoara en roumain), traverse la Serbie et parvient jusqu'au Kosovo. Une grande bataille s'y engage, du 17 au 19 octobre 1448, entre les Croisés et l'armée du sultan Mourad II, au cours de laquelle les Croisés subissent un terrible revers.
En 1451, un nouveau sultan prend le pouvoir, Mehmed II, dit le Conquérant. Il anéantit les derniers restes de l'Empire byzantin en 1453 et s'attaque à la Serbie en 1454, dévastant les terres serbes et réduisant 50 000 personnes en esclavage. Le 16 septembre 1454, le chef militaire serbe Nikola Skobaljić se distingue particulièrement lors d'un affrontement contre les Turcs, à Novo Brdo. Le siège de cette ville ne commence réellement qu'en 1455 et s'achève, malgré la reddition de la ville, par une barbarie terrible de la part des Turcs : les habitants les plus éminents de la ville sont immédiatement mis à mort, tandis que 704 femmes sont livrées aux soldats turcs et 320 adolescents envoyés en Anatolie pour devenir des janissaires. La région des Branković sombre la même année, notamment les villes de Prizren et Priština. Les terres de l'actuel Kosovo sont alors entièrement contrôlées par les Ottomans.
Par la suite, le Kosovo restera sous la domination ottomane jusqu'en 1912.
[modifier] La période ottomane
L'État ottoman repose solidement sur les fondements de l'islam, fondements qui couvrent toutes les formes de la vie sociale, sans exception. Seuls les musulmans sont considérés comme des citoyens privilégiés, les chrétiens et les juifs étant réduits à l'état de citoyens de deuxième catégorie, les dhimmis, rassemblés et isolés dans leurs cercles religieux respectifs, et pratiquement coupés de toute vie publique. La condition des non musulmans est liée à toutes sortes de contraintes, aussi bien d'ordre économique que culturel, dont seule la conversion à l'islam permet de s'affranchir.
Au Kosovo, la conversion de Serbes à l'islam commence très rapidement, bien qu'elle reste faible dans cette partie de l'Empire. Elle est liée à un sentiment d'abandon et de désespoir, que la suppression du patriarcat de Peć n'arrange pas. La propagation de l'islam est notamment le fait de certains groupes de derviches, et de l'implantation sur les territoires de Macédoine, du Kosovo et de Métochie, de colons musulmans venus d'Asie mineure, devenus Turcs pas la suite. L'islamisation touche également la petite noblesse, désireuse de conserver ses possessions, de même que les haïdouks et bandits capturés, qui savent que seule la conversion leur permettra de sauver leur tête. Dans les régions extrêmement pauvres, il arrive que des villages entiers se convertissent, du moins officiellement, afin de ne plus payer le djizia et autres charges. En outre, de la conquête ottomane à la restauration du patriarcat de Peć en 1557, l'Église serbe connaît la période la plus difficile de son histoire. Affaiblie, elle n'est alors pas en mesure d'empêcher l'islamisation progressive d'une partie de la population serbe, islamisation qui restera toutefois peu importante jusqu'au début du XVIIIe siècle.
En 1557, le sultan décide d'accorder à l'Église serbe la restauration du patriarcat de Peć. Il est influencé en cela par le grand vizir Mehmed pacha Sokolović, Serbe converti à l'islam et originaire du village de Sokolovići, en Bosnie orientale. C'est d'ailleurs le propre cousin du grand vizir, Makarije Sokolović, qui est nommé patriarche. Cet évènement marque le début d'une période d'accalmie pour les Serbes de l'Empire ottoman, en particulier ceux du Kosovo.
Cependant, alors que l'Empire des Habsbourg est en guerre avec l'Empire ottoman, les Autrichiens prennent des mesures pour favoriser la création d'une zone militaire tampon entre les deux empires. Vienne est alors confrontée à un important problème démographique : sous la pression turque, une grande partie des terres croates limitrophes de l'Empire ottoman ont été désertées. Celles-ci sont alors placées par les Autrichiens sous une juridiction spéciale, celle des Confins militaires (Vojna Krajina ou Krajina), et de nombreux groupes de réfugiés serbes, ainsi que quelques milliers de Valaques et d'Albanais, traversent la frontière par vagues successives pour s'installer en Krajina, les vagues les plus importantes se situant au cours des années 1530, à la fin XVIe siècle et lors de la « Longue guerre » austro-ottomane de 1593-1606. Ils sont essentiellement originaires du Kosovo, du Monténégro et de Bosnie, et disposent dans l'Empire autrichien de privilèges plus importants que dans l'Empire ottoman. Ils sont toutefois tenus de prendre les armes en cas d'invasion ottomane, mais conservent la liberté de pratiquer leur religion et sont exempté des impôts dus aux féodaux et cléricaux croates.
Après l'échec du second siège de Vienne, en septembre 1683, l'Empire ottoman reflue face aux Autrichiens qui, avec l'aide des Serbes et de tribus albanaises catholiques, traversent le Kosovo en 1689 et parviennent jusqu'à Skoplje, en Macédoine. Mais, mieux organisée, l'armée ottomane commence à infliger de sévères défaites aux Autrichiens dès le début de 1690, notamment à la bataille de Kačanik. Suite au retrait de l'armée autrichienne, les Ottomans mènent une répression féroce à l'encontre des chrétiens du Kosovo, orthodoxes comme catholiques, causant massacres et destructions. C'est alors que l'empereur autrichien Léopold Ier décide d'inviter les chrétiens des Balkans à fuir les persécutions ottomanes pour s'installer dans les Confins militaires, leur octroyant alors certains privilèges, dont le premier, le manifeste invitatoire, fut énoncé le 6 avril 1690. Le patriarche de l'Église orthodoxe serbe, Arsenije III Crnojević, décide ainsi de conduire son peuple dans une Grande Migration, au cours de laquelle environ 60 000 Serbes du Kosovo, de milieux sociaux très disparates, prennent la route du nord, emportant ce qu'ils pouvaient avec eux. La plupart s'arrête en route, et seuls les plus résistants parviennent en Slavonie et en Hongrie du sud, dans ce qui deviendra la Voïvodine. Les migrations touchent également dans une moindre mesure les Albanais catholiques, dont quelques centaines de membres des clans Hoti, Kelmendi, Kastrati et Shkreli avaient combattu aux côtés des Autrichiens et des Serbes. Certains d'entre eux fuient vers les montagnes du Monténégro et d'Albanie du nord, d'autres accompagnent les Serbes qui s'exilent, d'autres encore vont s'installer jusqu'en Dalmatie vénitienne, dans la région de Zadar. L'islamisation touche alors massivement les Albanais et, dans une moindre mesure, les Serbes restés au Kosovo, soumis à la vengeance terrible des Ottomans. Ces derniers, afin de combler les vides créés par le départ des Serbes et des quelques centaines d'Albanais catholiques, permettent la colonisation progressive des terres, mines et pâturages laissés vacants par des clans albanais musulmans venus des montagnes d'Albanie du nord.
Durant la guerre austro-turque de 1737-1739, une nouvelle insurrection de quelques 10 000 Serbes du Kosovo, aidés par certaines tribus albanaises catholiques et des tribus monténégrines voisines, aboutit à nouvelle migration des Serbes, en 1739, sous la conduite du patriarche Arsenije IV Jovanović-Sakabenta. Ce second exode touche également les Albanais catholiques s'étant battus aux côtés des Autrichiens, notamment ceux des tribus Kelmendi, Gruda et Hoti. La majorité d'entre eux s'installe en Voïvodine.
L'islamisation des chrétiens touche d'abord les endroits où les immigrés albanais musulmans sont les plus nombreux, la où les familles chrétiennes se retrouvent soudainement minoritaires. Elle touche aussi bien les familles serbes, que les familles albanaises catholiques. Parmi les Serbes qui n'acceptent pas la conversion à l'islam, certains parviennent à trouver des notables albanais leur accordant le statut de kmet (serf), statut leur garantissant la protection de leurs propriétés et de leurs vies. Les autres se réfugient dans des régions isolées, à l'écart des unités albanaises musulmanes. L'islamisation prend toutefois de l'ampleur dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, du fait des persécutions menées par les unités albanaises après l'échec des insurrections.
Après la création d'une Serbie autonome, au début du XIXe siècle, les Serbes émigrent plus régulièrement vers le nord, du fait de l'importante répression mise en œuvre par les beys albanais, avec l'accord de la Sublime Porte. Un processus de mimétisation sociale existant au Kosovo depuis le XVIIIe siècle, celui de l'albanisation des Serbes islamisés, s'intensifie alors. Les Serbes albanisés, ou Arnautasi, conservent un temps le souvenir de leur origine serbe, avant d'être totalement assimilés, augmentant encore la proportion d'Albanais dans le vilayet de Kosovo, au cours du XIXe siècle.
À l'hiver de 1878, le Congrès de Berlin ayant étendu les frontières du nouvel état serbe aux régions de Niš, Pirot, Toplica et Vranje, plusieurs milliers d'Albanais, les Muhaxheri (réfugiés), habitant la région de Toplica, près de Niš, sont chassés vers le Kosovo, resté sous domination ottomane.
[modifier] Les guerres balkaniques
Les Albanais représenteront près de 60% de sa population lors de sa conquête par l'armée serbe en 1912 — ce qui faisait dire au dirigeant social-démocrate de Serbie Dimitrije Tucovic, qui s'y opposait :
« nous sommes entrés en terre étrangère. »
En 1912, alors que les Kosovars viennent de se libérer de la tutelle des Ottomans qui leur refusaient l'autonomie, ils sont aussitôt envahis et massacrés par l'armée de Belgrade : 20 000 personnes assassinées. L'armée serbe y maintient la loi martiale, entretenant un climat de terreur qui est dénoncé en 1913 par Trotsky (alors journaliste).
Réunie à Londres le 17 décembre 1912, la Conférence des Ambassadeurs refuse à la Serbie, sous pression de l'Autriche-Hongrie, l'accès à la mer qu'elle convoitait par la vallée du Drin (Drim en serbe) mais sous pression française et russe lui livre le Kosovo et la Macédoine. À sa conclusion en juin 1913, plus de la moitié des Albanais se retrouvent sous la domination du pouvoir serbe qui avait donné l'ordre de les massacrer, sur des territoires où ils vivent depuis peu mais où ils sont la majorité absolue. La région de Peja/Peć est livrée au Monténégro, ce qui semble indiquer que son Patriarcat est alors de l'histoire ancienne pour les Serbes.
[modifier] Le Kosovo dans la première Yougoslavie
Après la première guerre mondiale le Kosovo, qui à partir de 1915, avait été occupé par les Autrichiens et les Bulgares, est repris par l'armée serbe et incorporé au Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, formé en 1919.
Le Kosovo est formellement rattaché au nouvel État. Le monarque serbe, Alexandre Ier, tout en matant la résistance de Kaçaks, Albanais qui résistent à cette reconquête, tout comme les Komitadjis de Macédoine, entreprend de "dés-albaniser" la région, en encourageant les Albanais à partir et en y favorisant la réinstallation de familles serbes et monténégrines. Cette politique marquée par des accords avec la Turquie et théorisée, entre autres, par Vaso Cubrilovic dans un mémoire du 7 mars 1939, est inefficace : la part des Albanais dans la population du Kosovo reste stable aux environs de 60%.
[modifier] La Seconde Guerre mondiale
Ayant envahi la Yougoslavie en avril 1941, les Italiens et les Allemands se partagent le Kosovo : le nord, riche en minerais, reste en Serbie sous occupation allemande et direction collaborationniste, le sud est incorporé à une Grande Albanie sous domination fasciste italienne. Composée d'Albanais musulmans à la suite de la Seconde Ligue de Prizren dont l'objectif est d'exterminer la population serbe du Kosovo, objectif qui se traduira par le massacre de plusieurs milliers de Serbes et l'exil de nombreuses familles serbes vers la Serbie occupée, interdites de retour au Kosovo par le régime communiste, à la fin de la guerre.
Une partie des Albanais chassés dans l'entre-deux guerres reviennent au Kosovo et en expulsent les Serbes qui s'étaient installés sur les terres qu'ils avaient préalablement occupées. Seule une partie d'entre eux reviendra après la troisième annexion du Kosovo à l'État belgradois en 1944.
[modifier] La Yougoslavie de Tito
Tito était le vrai créateur et le vrai patron du Parti communiste albanais et, à la conférence de Bujan, reconnut le droit des Albanais à l'autodétermination. Mais comme il ne pouvait pas immédiatement inclure les terres albanaises — dont il reconnaissait que le Kosovo faisait partie — dans la nouvelle fédération balkanique dont il avait le projet, il décida à la fin de la guerre de maintenir le territoire kosovar dans la nouvelle Yougoslavie, avec le statut de province autonome rattachée à la République de Serbie. Après la rupture avec Staline le 28 juin 1948, le parti communiste d'Albanie, sous la direction d'Enver Hoxha, prend le parti de Staline. La frontière du Kosovo avec l'Albanie est alors fermée, et ne peuvent passer que les montagnards qui connaissent les lieux et qui ont des champs et de la famille de l'autre côté.
Tito est d'origine croate, mais son vice-président, Aleksandar Rankovic, est serbe. Il soumet le Kosovo à un régime policier et persécute les Albanais, lesquels abandonnent la région par milliers, notamment vers la Turquie. Un accord avait en effet été trouvé avec les Turcs qui cherchaient à revitaliser une population vieillissante (aujourd'hui, il y a environ 2 millions d'Albanais en Turquie). Un taux de natalité de 3% chez les Albanais ne réussit qu'à freiner la progression du nombre relatif des Albanais ; mais elle durera jusqu'en 1966 lorsque Rankovic sera écarté du pouvoir.
Tito entreprend alors d'améliorer la situation du Kosovo. En 1968, il y crée l'Université de Pristina et amende la Constitution yougoslave pour donner plus de contenu à l'autonomie formellement déclarée en 1945. Cet effort culmine avec la Constitution yougoslave de février 1974, où la République de Serbie perd tout droit de regard sur les affaires internes du Kosovo : celui-ci est directement représenté dans les instances fédérales, "à égalité de droit" des Républiques et des Provinces autonomes, ainsi que des "peuples" et des "nationalités". Juridiquement, le Kosovo a tous les droits d'une République… sauf le nom, et demeure nominalement rattaché à la République de Serbie. Par ailleurs, un impôt spécial "Kosovo" sera levé dans tout le reste de la Yougoslavie afin de financer le développement de cette province.
Cela ne fait pas l'affaire de certains Albanais du Kosovo qui voient bien la limite des garanties que leur apporte ce statut. Ils demandent que le Kosovo soit une République à part entière. Cela ne fait pas non plus l'affaire des nationalistes serbes, qui se plaignent de cette indépendance, affirmant qu'elle lèse les droits de la Serbie et l'empêche de protéger la minorité serbe qui s'y trouve menacée.
Or, la mort de Tito va libérer les revendications nationalistes. En mars 1981 des manifestations d'Albanais réclamant le statut de République tournent à l'émeute ; la répression fait officiellement 11 morts, environ 250 selon certains observateurs. Le nationalisme serbe, moins réprimé en 1971 que le nationalisme croate, relève la tête avant les autres et en septembre 1986 apparaît un Mémorandum, attribué à l'Académie serbe des Sciences et des Arts : celui-ci met en cause l'ordre constitutionnel yougoslave, qu'il affirme antiserbe.
[modifier] Milošević supprime l'autonomie constitutionnelle
L'un des hommes politiques qui reprend cette revendication et entreprend de la mettre en œuvre est Slobodan Milošević. Le 24 avril 1987 à Prishtina/Priština, face à une manifestation nationaliste serbe faisant suite à des ratonnades de Serbes par des extrémistes albanais, il prend fait et cause pour les manifestants. Le 24 septembre 1987 à la 8e session ou 8e plénum, aux cris de « Personne ne se mettra sur le chemin de nos réformes » (Niko neće stajati na putu nasih reformi), supplante son « ami de trente ans » Ivan Stambolić à la tête de la Ligue des Communistes de Serbie. Puis il met en œuvre, avec une partie de la police politique et du contre-espionnage de l'Armée yougoslave, un plan de détournement des institutions fédérales à son profit, qui passe d'abord par une série de coups d'état et de coups de force dans les Provinces autonomes et Républiques liées à la Serbie : "Révolution des yaourts" en 1988 en Voïvodine, "Révolution antibureaucratique" au Monténégro en janvier 1989, suppression de l'autonomie constitutionnelle du Kosovo en mars 1989. Chacune de ces entités constitutionnelles possédant un siège à la Présidence fédérale, il s'agissait d'y créer un "bloc serbe" pour y obtenir à terme la majorité.
Le plan échoue le 1er décembre 1989 lorsque le gouvernement slovène interdit une manifestation destinée à le renverser ; dans la nuit du 22 au 23 janvier 1990, au XIVe Congrès extraordinaire de la Ligue des Communistes yougoslaves, la solidarité des Croates avec les Slovènes et l'éclatement de la ligue persuade Milosevic de mettre en œuvre le plan de remplacement, mis au point avec une partie de l'état-major de l'armée yougoslave, dont la réorganisation territoriale à partir de 1987 peut s'interpréter comme une préparation : réaliser la Grande Serbie par la force ; à cette fin, le "bloc serbe", affirmant vouloir sauver la Yougoslavie, évince les autres représentants de la Présidence collégiale, permettant à Milošević, qui n'est que Président de Serbie, de commander illégalement à ce qui reste de l'Armée fédérale pour attaquer la Croatie.
[modifier] Le Kosovo après la quatrième annexion contemporaine
Après la chute de Rankovic, le nombre relatif des Albanais au Kosovo s'accélère. En 1991, le Kosovo compte 82% d'Albanais selon le recensement fait à l'époque, auquel les Albanais avaient refusé de participer, quoiqu'il ait été mené honnêtement.
Sous Milosevic, 300 000 Albanais du Kosovo émigrent en Europe occidentale où nombre d'entre eux rejoignent les mouvements de résistance déjà organisés.
En mars 1989, par un vote du Parlement de Prishtina/Pristina entaché de fraude et de violence, Milosevic avait supprimé l'autonomie de la province : il fera avaliser cette suppression par la Constitution serbe de 1990 ; puis il dissoudra le Parlement et le gouvernement du Kosovo, et interdira l'emploi de la langue albanaise dans l'enseignement et les médias.
Juridiquement, ces actes sont nuls : même si le vote de mars 1989 avait été régulier, il n'aurait pas été suffisant puisque ce n'était pas seulement la Constitution du Kosovo et celle de la Serbie mais aussi la Constitution fédérale de 1974 qui définissait l'autonomie du Kosovo entre autres conditions de son appartenance à l'ensemble yougoslave. En outre, en violant une Constitution fédérale, cette annexion d'une des huit entités constitutives par une autre détruisait juridiquement la fédération : le droit de chacune étant la condition de l'adhésion de toutes, elle les déliait toutes de leurs obligations envers l'ensemble, légitimant l'exercice de leur souveraineté, que la Constitution même affirmait, dans le sens de l'indépendance. C'est ce que les Slovènes feront immédiatement remarquer, et que les Kosovars comprenaient parfaitement.
Des chefs politiques albanais s'organisent en conséquence contre cette annexion forcée, la quatrième depuis 1912 : le 2 juillet 1990, une majorité des députés, chassés du Parlement, qui étaient censés avoir voté l'abolition de l'autonomie à une majorité des deux tiers, publient une Déclaration constitutionnelle faisant du Kosovo une République ; puis c'est le référendum de septembre 1991 et, en octobre 1991, l'indépendance est proclamée.
La Commission Badinter, chargée d'examiner les demandes de reconnaissance pour les entités de l'ex-Yougoslavie, refuse d'examiner la demande du Kosovo. Cette même Commission a reconnu les indépendances slovène et croate, puis bosnienne et macédonienne.
La Bosnie détournant l'attention de la « communauté internationale », Ibrahim Rugova met sur pied une société parallèle, remplaçant jusqu'aux écoles et aux hôpitaux dont les Serbes ont chassé les Albanais : il remporte des élections clandestines et devient président de cette République parallèle.
En 1995, les accords de Dayton laissent le Kosovo de côté. La « République fédérale de Yougoslavie », créée par Milosevic en avril 1992, est progressivement reconnue à partir de 1996, sa présence à la signature des accords de Dayton, qui violait la souveraineté bosnienne, valant d'ailleurs déjà reconnaissance implicite. Cette reconnaissance internationale inclut celle des frontières, donc l'appartenance du Kosovo au nouvel état ; trois ans plus tard, les pays de l'OTAN se jugeront contraints de « violer » cette souveraineté qu'ils venaient de reconnaître.
[modifier] La Guerre du Kosovo
Déçus par l'indifférence de la communauté internationale, certains Albanais rejettent l'autorité de Rugova. Un gouvernement en exil, dirigé par Bujar Bukoshi, affirme diriger des Forces armées de la République de Kosovo (Forcat e Armatosura të Republikës së Kosovës ou FARK). En 1997, une Armée de Libération (en Albanais Ushtria Çlirimtare e Kosovës ou UÇK, en serbe Oslobodilačka Vojska Kosova ou OVK) profite du pillage des arsenaux en Albanie pour s'équiper et entreprendre une campagne de guérilla ; elle revendiquera plusieurs attentats contre l'armée et la police serbes. En réponse à ces actions, et surtout pour neutraliser son opposition par une nouvelle guerre, Milosevic massacre en février et mars 1998 les familles de guérilleros présumés, provoquant une insurrection massive. Cette insurrection lui permet ensuite, sous couleur de contre-terrorisme, de lancer une campagne de destruction de dizaines de milliers de maisons, chassant plus d'1 000 000 d'Albanais de chez eux en Albanie, en Macédoine et au Monténégro et en contraignant plusieurs dizaines de milliers à l'exil, tout en commettant 10 000 assassinats.
Après leur expérience en Bosnie-Herzégovine et craignant une extension du conflit à la Macédoine, les pays occidentaux décident de réagir. Finalement, entre le 24 mars 1999 et le 10 juin 1999, l'OTAN procède à des frappes aériennes sur la Serbie et contraint Milosevic à se retirer du Kosovo. La région passe sous l'administration des Nations unies et près d'un million de Kosovars reviennent sur leurs terres.
La guerre de l'OTAN au Kosovo fait l'objet de sérieuses discussions. De nombreux écrivains s'insurgent contre un retour de la théorie de la guerre juste, et accusent l'unanimité des médias occidentaux de propagande.
Le rôle de l'UCK comme groupe terroriste, assassinant de nombreux serbes et albanais est fortement décrié.
Comme pour la guerre en Afghanistan, le projet d'un important pipeline reliant cette fois la mer Noire à l'Albanie est désigné comme un des buts de la guerre, planifiée bien avant les évènements censés l'avoir déclenchée. La construction du définitif Camp Bondsteel, plus grande base américaine, semble appuyer cette hypothèse.
Lire en particulier :
- La Croisade des fous : Yougoslavie, première guerre de la mondialisation de Diana Johnstone
- Le Nouvel Humanisme militaire de Noam Chomsky
- L’opinion, ça se travaille de Serge Halimi et Dominique Vidal
[modifier] La reconstruction
Les défis de l'administration de l'ONU sont immenses : reconstruire une zone complètement ruinée par les affrontements et réinstaurer un climat de paix et de sécurité dans la province. Des milliers de demeures sont à reconstruire, et l'infrastructure est dévastée. Petit à petit, la situation s'améliore, mais la haine entre communautés reste vive et les institutions locales sont presque exclusivement contrôlées par des Albanais, le gouvernement serbe n'ayant aucun pouvoir dans la province, pourtant toujours officiellement partie intégrante de la Serbie. Le Kosovo a aujourd'hui un parlement élu par la population au suffrage universel, le gouvernement et le président étant élus à leur tour par le parlement. La situation reste cependant précaire et les tensions ethniques sont loin d'avoir disparu. En 1999, quelques 65 000 Serbes ont été chassés de chez eux pour se réfugier en Serbie ou dans la zone à majorité serbe du nord du Kosovo, sous la protection des troupes françaises de la KFOR. Des quelques 200 000 Serbes qui vivaient au Kosovo avant la guerre, seuls 80 000 d'entre eux demeurent encore dans la province. De nombreux civils non Albanais (Serbes et Roms principalement) de tous âges ont été assassinés et beaucoup de monastères et d'églises orthodoxes, dont certains d'une grande valeur historique, ont été pillés et brûlés, particulièrement lors des émeutes de mars 2004.
[modifier] Le statut du Kosovo
De 1999 à aujourd'hui, le statut final du Kosovo est indéterminé, ce qui paralyse son développement politique et contribue à une situation sociale tendue. Le 2 novembre 2005, l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari est mandaté par l'ONU afin de superviser les négociations entre le gouvernement serbe et le gouvernement albanais de Pristina sur le statut final du Kosovo. Après le décès d'Ibrahim Rugova, figure emblématique du mouvement indépendantiste albanais et alors président de la province, le 21 janvier 2006, des pourparlers entre le gouvernement du Kosovo, la diplomatie européenne et le gouvernement serbe prennent place à Vienne, de mars 2006 à mars 2007. Le 28 octobre 2006, alors que les négociations n'aboutissent pas, le parlement serbe soumet une nouvelle Constitution aux citoyens de la République de Serbie (incluant les provinces autonomes de Voïvodine et du Kosovo). Le « oui » est donné gagnant avec 53,44 % des voix.
Le 26 mars 2007, Martti Ahtisaari soumet ses propositions sur le statut final du Kosovo au Conseil de sécurité des Nations unies. Il prévoit d'accorder au Kosovo le statut d'État indépendant, possédant ses propres symboles, sa Constitution et son armée, sous le contrôle de la communauté internationale. Les Etats-Unis et l'Union européenne apportent leur soutient au plan de l'ancien président finlandais, tandis que la Serbie y est fermement opposée, l'indépendance du Kosovo constituant la perte d'environ 15% de son territoire. En outre, le Kosovo est considéré en Serbie comme le berceau de la civilisation serbe, un symbole de son identité et de son histoire. La Russie, estimant nécessaire de trouver un compromis entre les positions serbe et albanaise, menace d'utiliser son droit de veto à l'ONU si une résolution dans ce sens était votée. Selon la Russie, une éventuelle indépendance du Kosovo, étant non conforme au principe de l'intégrité territoriale des États souverains consacré par l'Acte d'Helsinki, ouvrirait un précédent dangereux pour d'autres provinces sécessionnistes de l'Europe, tout particulièrement la Transnistrie, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie dont le statut est actuellement « gelé ».
[modifier] Voir aussi
[modifier] Liens internes
[modifier] Liens externes
- Catégorie Kosovo de l'annuaire dmoz.
- Cahier spécial du Monde diplomatique sur la crise du Kosovo
- Page du site CSOTAN consacrée au Kosovo
- (en)Loss of the Kosovo Cultural Heritage (par Fabio Maniscalco)- "Web Journal on Cultural patrimony"